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Les hélicoptères français :
de la SNCASE à Eurocopter

SNCASE SE 3130 Alouette II

par Daniel Liron

Le projet d'un hélicoptère à turbine allait bon train dans les bureaux d'études de la SNCASE en cette année 1955. Les appareils précédents permirent de se rendre compte des aléas mécaniques rendant la  maintenance trop fastidieuse à ses utilisateurs. De ce fait, les ingénieurs allaient repenser entièrement le concept.

La SNCASE commença par commander au motoriste français Turboméca, une turbine Artouste 1 de 250 ch, destiné au futur hélicoptère. Envoyé pour visiter l'usine de  Bordes, Charles Marchetti  découvrit l'Artouste 2 de 400 ch sur les chaînes de  montage ; il demanda alors au président de Turboméca, Joseph Szydlowski, s'il pouvait modifier la commande déjà passée. Le changement fut accepté. Charles Marchetti et André Vauthier, directeur technique,  purent  alors acquérir ce propulseur plus performant pour  l'appareil.

A leur retour, les travaux de construction de l'Alouette 2 commencèrent, et le petit moteur ne fut pas ménagé sur son  banc d'essai. Il tourna 100 heures réparties sur 10 jours. L'effort de tous fut enfin récompensé quand leur Alouette 2, toute pimpante, sortit des ateliers de La Courneuve, parée pour son décollage. 

Le 12 mars 1955 sur le petit terrain du Buc, le SE 3130-01, immatriculé F-WHHE était fin prêt pour son premier envol. C'est Jean Boulet et Henri Petit qui eurent l'honneur d'arracher du sol cette machine, considérée par toute l'équipe de la section hélicoptères, comme leur enfant. Ce fut un grand jour pour tous.

Ce premier vol se déroula convenablement, et les quelques soucis de résonances décelés furent vites résolus. Les essais en vol se poursuivirent rapidement afin que l'appareil soit fin prêt pour sa présentation aux autorités de tutelle et obtenir sa certification. Le feu vert pour le lancement d'un second prototype fut donné, et deux mois plus tard, ce fut au tour de l'exemplaire 02 (F-WHHF) de prendre l'air lui aussi. Le 25 mai, le même équipage décolla le SE 3130, et l'expérience fut une fois de plus très positive. 

Les records battus par le SE 3120 incitèrent à nouveau la Direction et le Service Technique à réitérer le challenge. Les innombrables conciliabules d'ingénieurs et de responsables aboutirent finalement à un accord définitif. Le 6 juin 1955, Jean Boulet atteignit 8209 m  à la verticale du Buc à bord du 02. Ce record (catégorie E1b)  fut arraché une fois de plus aux Américains, qui avaient atteint 7472 m en 1954, à bord d'un hélicoptère Sikorsky S-59 (XH-39), motorisé lui aussi, par une Artouste 2.

En août 1955 les deux appareils subirent des tests à haute altitude pour déterminer les limites de vol en atmosphère raréfiée et par températures négatives.
Bons résultats des deux machines. Le 02 fut ensuite soumis aux sévères contraintes du CEV de Brétigny, temple des essais en vol. Il fut pris en charge par les nombreux pilotes du centre, dont les noms encore inconnus, allaient devenir synonymes de giraviation. Il y avait là Roland Coffignot (
1) , Denis Prost (2) dirigés par M. Lemoustre, chef de la section hélicoptères. Plusieurs ingénieurs d'essais navigants comme Jean Richard, Bernard Joffre ou Georges Petit  prirent successivement les commandes de l'appareil.

L'exemplaire 03 (F-YDJF) vola pour la première fois le 1er août 1955 avant d'être confié à Gérard Henry  chargé alors de l'instruction des élèves pilotes de l'aéronautique navale, première cliente militaire de l'appareil. Pour ce faire, on avait remplacé les patins tubulaires par un atterrisseur quadricycle  Messier, facilitant les manœuvres au sol sur les bâtiments porte-hélicoptères de notre flotte.
La parfaite coordination des différents service rattachés aux essais permit de faire décoller la première Alouette 2 de série, treize mois seulement après le prototype : un autre record en quelque sorte.
La première tranche des machines de série fut pour notre armée :
- 26 exemplaires pour la Marine
- 139 pour l'armée de l'Air
- 229 pour l' ALAT
soit 394 machines aux couleurs militaires.   
L'Alouette 2 fut le premier hélicoptère à turbine, avec le Djinn, à être certifié par la D.G.A.C. (
3),  le 2 mai 1957.

Le mois de mars 1957 vit la fusion de la SNCASE avec la SNCASO, devenant Sud-Aviation qui, en 1970 se nomma SNIAS, puis Aerospatiale.
     
En 1961 notre Alouette 2 allait connaître un regain de jeunesse par un changement de  moteur, plus sobre et plus puissant. C'est une turbine Turboméca Astazou II de 530 ch qui remplacera le propulseur initial. Son baptême de l'air eut lieu le 31 janvier 1961 sur  le SA-3180-01 (ex SE 3130 n°2).
Le SA 3180-02 dont le premier vol remonte au 24 janvier 1966, servit de banc d'essai volant pour un nouveau rotor. Élaboré avec le constructeur allemand Bolkow, ce rotor tripale rigide NAT (Non Articulé en Traînée), sera destiné ultérieurement  au futur SA 340 Gazelle. Ce rotor simplifié avait des pales en résine stratifiée et des manchons d'attache renforcés. L'innovation principale était le nombre de pièces qui le composait : 70, au lieu de 377 avec une lubrification réduite.

L'Alouette 2 Astazou obtint son certificat de navigabilité en février 1964 pour la France, et fin novembre de la même année pour les États-Unis. Les premières livraisons d'appareils de série se firent  fin 1964, début 1965.
De nouvelles dénominations de types se créèrent en 1968 par des variantes différenciées par leurs masses au décollage
(voir tableau ci-contre).

C'est sous l'appellation  SA 318 C Alouette II Astazou que demeura l'appareil jusqu'à l'arrêt de sa fabrication en 1975.

Cet hélicoptère à la longévité exceptionnelle vole depuis 46 ans sous tous les cieux du monde, apprécié de ses nombreux utilisateurs civils et militaires. Et si de nos jours encore, l'Alouette II est présente lors d'une fête aérienne, cette vieille dame vole, sans complexes, la vedette à ses successeurs bien plus récents.   
Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée…Sic



Le 12 mars 1980, sur le tarmac de l'usine Aerospatiale de Marignane, s'est déroulé l'anniversaire pour les 25 ans de l'Alouette II.
Le caractère exceptionnel de cette cérémonie résidait dans le fait que les deux prototypes de l'époque étaient là, en état de vol, avec le même équipage que 25 ans auparavant, à savoir : Jean Boulet et Henri Petit pour le 01, et pour le 02 les pilotes d'essais Roland Coffignot et Georges Petit, chargés, en 1955, des essais de réception CEV pour le compte du constructeur.
Réunir 25 années après les deux appareils originaux avec les mêmes pilotes relevait un peu du défi. Je ne sais pas qui en avait rêvé, mais ils l'ont fait !

Après le traditionnel discours commémoratif du Président de l'Aerospatiale Jacques Mitterrand, et de François Legrand, directeur de la division "hélicoptères", la présentation en vol de nos deux  demoiselles eut lieu devant un important parterre de personnalités civiles et militaires. Tout le personnel de l'usine avait été convié  à cette occasion,  et de nombreux journalistes de la presse locale et aéronautique internationale couvraient l'événement. Cela méritait bien un coup de chapeau. Pilotes et machines ont été chaleureusement applaudis à leur atterrissage et il va s'en dire que les quelques "vétérans" présents ce jour là, n'étaient pas en manque de souvenirs à évoquer avec les "navigants". Ce qui s'est fait autour d'un sympathique buffet, comme il se doit ! Tradition oblige.

Pour clôturer en beauté ce bref retour en arrière, il fut présenté au public les plus récentes créations choisies dans la gamme hélicoptères du moment comme l'AS 350 (ou 355) Écureuil, et le tout dernier Dauphin AS 365 N, fleuron représentatif  du savoir-faire français en ce domaine.   

Une page venait de se tourner, une autre s'ouvrait sur l'avenir.

©
Aérostories, 2001.

[ suite: les dérivés éphémères du SE 3130 ]

SE 3130-01 F-WHHE prototype durant l'un de ses premiers vols, piloté par Jean Boulet, au mois de mars 1955.   Clic
Photo Sud-Aviation, collection de l'auteur

SE 3130-01 F-WHHE sur le terrain de Buc. Un prototype flambant neuf !   Clic
Photo Sud-Aviation, collection de l'auteur

Détail du rotor et de la turbine "Artouste" de la SE 3130 n°1864 F-GDHP, dans un  hangar de Marignane.

Photo D. Liron      Clic

SE 3130-05 version "Marine" pilotée ici par Gérard Henry. Remarquer le train d'atterrissage quadricycle spécial "appontage". Clic
Photo Sud-Aviation, collection de l'auteur

SE 3130-05 version "Marine" lors d'un transport de V.I.P.                    Clic
Photo Sud-Aviation, collection de l'auteur

SE 313 B n°1828 F-GCPD à l'atterrissage sur le terrain d'Aix-les-Milles.

Photo Daniel Liron        Clic

> caractéristiques SE 3130/313 - SA 318 <

SE 3130 de l'Armée de Terre allemande (Heer) sur un terrain de manœuvres en attente de missions tactiques.

Photo X .Collection de l'auteur  Clic

L'équipage CEV et les pilotes initiaux devant le 02. De gauche à droite: Georges Petit, Roland Coffignot, Jean Boulet (au micro) et Henri Petit.

Photo Le Méridional La France-Marseille Clic

Le SE 3130-02 appartenant à l'E.P.N.E.R. d'Istres, survolé par la génération montante, l'Écureuil, pour clôturer la cérémonie.

Photo Aerospatiale     Clic