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Radar : la genèse.

par Philippe Bauduin

L'histoire du radar est très controversée, plus les années passent et plus les éléments pour l'écrire apparaissent.


Les faits

Tout a commencé en 1886 quand H. Hertz réalise les premières expériences sur les ondes électromagnétiques. En 1904 C. Hülsmeyer dépose un brevet sur un "détecteur d'obstacles à ondes radio continues" à la suite de réflexions constatées sur des navires croisant sur le Rhin.
A partir de cette date et notamment après le naufrage du Titanic en 1912, toutes les nations étudient cette possibilité suivant deux voies se déroulant parallèlement :
- l'étude des ondes, leur propagation, et l'analyse des échos quelles produisent lorsqu'elles rencontrent un obstacle.
- l'étude et la réalisation des dispositifs, tubes oscillateurs, générant les ondes.
Pour les Américains, les Anglais et les Français ces deux voies se croiseront en 1940 où le destin du radar sera alors figé.

Générateurs et propriétés des ondes radio
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A.W.Hull, ingénieur à la General Electric Company fait osciller, à fréquence moyenne, en 1921 une simple diode placée dans un champ magnétique axial qu'il appelle magnétron.
En 1922 l'Italien Marconi constate la réflexion des ondes et propose d'en étudier l'écho.
La même année Taylor et Young, deux Américains constatent, sur le Potomac, la réflexion sur des objets passifs et s'intéressent à la mesure de l'éloignement.
A Prague, en 1924, Zacek obtient des oscillations de 29 cm de longueur d'onde dans un magnétron à anode simple. En 1927, le professeur Camille Gutton et Pierret, dans la cour de la Faculté des Sciences de Nancy, réalisent des expériences sur les échos d'ondes électromagnétiques réfléchies par une surface conductrice.

Dans un rapport datant du 5 novembre 1930, le Laboratoire Naval des USA rapporte avoir étudié des échos provenant d'objets mobiles.
En 1934 Henri Guitton, fils du professeur et assistant de Maurice Ponte, reprend les expériences de Nancy avec des ondes centimétriques. Il perfectionne le magnétron en introduisant notamment l'anode à segments résonnants.
Le 20 juillet 1934, la Compagnie Générale de Télégraphie Sans Fil, où travaille H. Gutton, dépose le brevet d'un dispositif de détection d'objets mobiles tels qu'avions, navires, icebergs…utilisant des ondes radio-électriques ultra-courtes produites par un magnétron.
Avec ce brevet on change d'époque, l'on passe de l'ère de l'expérimentation empirique à celle de la fabrication de dispositifs opérationnels. L'équipe de la CSF, sous la direction de Maurice Ponte, met en place à Sainte Adresse le premier radar de surveillance de la navigation maritime en baie de Seine dans la Villa Magali, qui surplombe la mer. En novembre et décembre 1934 le cargo mixte Orégon de la CGT est équipé de deux radars de navigation, de 80 cm et 16 cm de longueurs d'ondes, qui permettent lors de sa traversée de Bordeaux au Havre de détecter les côtes et les navires de 10à 12 miles. À la suite de cet essai l'équipement à longueur d'onde de 16 cm sera retenu pour le paquebot Normandie.
En 1935 après une ultime campagne sur le remorqueur Minotaure, du Port du Havre, le radar sera monté à bord du Normandie.
La même année, en Angleterre, Watson-Watt met au point un dispositif pour détecter les masses nuageuses : un radar météorologique avec des longueurs d'ondes de 1,50 à 3,50 m ; Il propose également la création d'un système de défense anti-aérienne qui sera adopté le 5 décembre par le ministère de l'Air britannique.
C'est également en 1935 que sera reçue la première demande de crédits à l'intention des laboratoires de la Marine américaine.
En juin 1936, ces laboratoires détectent pour la première fois le passage d'avions.
En 1938, le paquebot américain " New York " est équipé d'un radar. La même année, en mars, l'Angleterre met en service cinq stations radar de défense : c'est la Chain Home.
Enfin en 1939, Maurice Ponte, met au point un magnétron à filaments thoriés de grande puissance. Il invite en avril, à la Villa Magali, à Sainte Adresse, les représentants de la Marine, de l'Air, des PTT pour observer sur l'écran les mouvements des navires en Baie de Seine, sans retenir leur attention. La CSF continuera seule et à titre privé le développement des radars.
A la déclaration de Guerre, la Grande-Bretagne disposera d'un double réseau de détection dont on mesurera l'efficacité durant la Bataille d'Angleterre.

L'Allemagne, bien que disposant de radars fabriqués par la GEMA ou Telefunken, manifeste le même désintérêt que la France sans doute parce que la guerre éclair fut privilégiée au détriment de la défense.
En septembre 1939 l'amiral Darlan donna l'ordre d'installer des radars sur certains bâtiments de ligne français : Richelieu et Strasbourg notamment.
Les Anglais proposent à la France d'installer des radars sur son territoire. L'offre est déclinée.
En mai 1940 l'on songea enfin à protéger Paris par un radar qui sera installé à la Butte du Moulin de Sannois, il sera détruit trois jours plus tard pour ne pas tomber aux mains des Allemands. Le 8 mai, dans le cadre d'un accord franco-britannique, Maurice Ponte remet à Wembley aux Anglais le dernier cri des magnétrons français de la CSF. Le 15 juin le Richelieu détectera, sur son radar, une formation d'avions italiens pénétrant en Provence.

L'apport à l'Angleterre du magnétron de la CSF donnera une impulsion considérable au développement des radars. Rapidement des radars furent embarqués à bord d'avions de la RAF pour traquer les sous-marins dans l'Atlantique. Dans le même temps les chasseurs de nuit en seront dotés
Tous les belligérants ayant saisis l'intérêt des radars développeront des dispositifs de plus en plus performants.
Après quatre années de guerre, de perfectionnements, d'innovations, les Alliés débarqueront en Normandie le " must " des radars. Quelques jours avant le D-Day des radars de guidage : Eureka-Rebecca, pour les avions devant larguer les parachutistes seront mis en place. Le 6 juin le premier radar de contrôle aérien du 72th Wing de la RAF sera opérationnel à Sainte Mère Eglise. Les quelques dizaines de radars allemands, dont celui de Sainte-Adresse, seront rapidement détruits et remplacés par quelques centaines de radars alliés.
Ainsi pour quelques semaines, en juste retour des choses, la Normandie, où auront été réalisées les premières expérimentations en 1934, connaîtra, dix ans après, la plus grande concentration de radar jamais déployée au monde.

On estime que le développement des radars aura coûté 3 milliards de dollars, soit un milliard de plus que le projet Manhatan.

Alors ultime question, comme certains ont essayé de le faire croire : Watson Watt a-t-il inventé le radar ? La réponse est non. Les faits et les témoignages prouvent aujourd'hui que le radar fut une œuvre collective et que l'apport de la CSF aura été déterminant, au moment le plus décisif.

©
Aérostories,2001

Philippe Bauduin est l'auteur d'un ouvrage abondamment illustré dans lequel est évoquée cette décennie de radar en Normandie. Cliquez sur la couverture pour en savoir davantage.

L'aspect "bricolé" de ce prototype de magnétron ne donne pas la mesure de l'importance que cet appareil jouera dans la Seconde Guerre Mondiale.

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Le radar SFR du paquebot "Normandie" en 1936

D.R.                               Clic

Ce pylône du dispositif "Chain Home" supporte une antenne radar rotative. L'opérateur peut suivre une cible dans son faisceau.

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L'implantation du radar couplée à son imposant rayon d'action faisaient de ce type de B-17 un patrouilleur efficace.

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Radar allemand d'Arromanches en 1944.
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