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Le cœur du SR-71 "Blackbird" : le puissant réacteur J-58

Description technique

2.6: Équipements et accessoires.

par  Philippe Ricco

Il est à peu près impossible, dans les conditions de vol du J58, d'assurer un refroidissement correct des baies électroniques; ce pourquoi l'équipement de ce dernier n'est constitué que de deux boîtiers électroniques ou électriques. Il en résulte que certains contrôles et ajustements qui se font habituellement automatiquement doivent, sur le J58, être effectués manuellement. Par exemple le pilote ajuste lui-même la température d'éjection des gaz en agissant sur un petit vernier qui commande un petit moteur électrique logé au cœur du système de contrôle hydromécanique de carburant, à l'abri de la chaleur. Pour que les éléments du rotor fonctionnent dans de bonnes conditions, les premiers J58 furent équipés d'un système de mesure de la température d'entrée de turbine (T.I.T.: Turbine Inlet Temperature ). La température était affichée dans le cockpit et un curseur permettait au pilote d'effectuer les corrections nécessaires à l'optimisation des cycles de combustion du moteur et de la réchauffe. Mais les mesures exactes de TIT se révélèrent fort délicates. La menace pesant sur le ailettes de turbine à cause de la présence de fragiles thermocouples à l'entrée décida Lockheed à renoncer à cette solution au profit d'un contrôle de la température d'éjection (E.G.T.: Exaust Gaz Temperature ). De cette façon, en cas de rupture accidentelle, seuls la rampe de postcombustion et le conduit d'éjection courant le risque de subir des dégâts. Dans une température ambiante trop élevée, un système conventionnel d'ajustage automatique ne pouvait fonctionner convenablement. Un système de trim à peu prés identique avait déjà été expérimenté avec succès sur le U-2 où le pilote compensait ainsi les variations d'environnement par rapport aux références standard. Le pilote disposait d'abaques de températures d'éjections en fonction de la température d'admission, permettant de calculer les corrections et ajuster manuellement le débit de combustible. Malheureusement, avec le Blackbird, les variations atmosphériques rencontrées sont trop rapides. Du fait de sa vitesse de déplacement très élevé, il passe très vite d'une masse d'air à l'autre. Le temps que le pilote ne lise et compense un écart de température, celle-ci a déjà changé. Ce problème fut à l'origine de nombreux désamorçages.

Il apparut aussi que le réglage du trim au démarrage dépendait de la position du curseur durant le vol précédent. De plus, l'avancement de la manette des gaz pour le décollage s'avéra avoir de bien curieuses conséquences sur la valeur de l'EGT. Le pilote devait trouver le bon réglage en tâtonnant durant l'accélération. Pour régler le trim, une procédure dut être instaurée : en bout de piste, roues bloquées, les moteurs étaient amenés alternativement au régime militaire et les EGT étaient réglées individuellement. L'ajustement était généralement effectué à une valeur légèrement inférieure à celle désirée, de sorte qu'en cas de variations durant le décollage, il était peu probable qu'elle ne dépasse les limites avant que le pilote ne puisse à nouveau y accorder son attention. Trimmer trop bas n'était pas non plus souhaité car il en eut résulté une importante perte de puissance.

Pratt & Whitney proposa de résoudre cette intolérable situation en prenant en compte la température d'admission et en ajoutant certains équipements permettant de trimmer automatiquement. Pour protéger les éléments du rotor en cas de désamorçage brutal, une valve crée un appauvrissement immédiat du débit de carburant dés qu'une baisse trop importante d'EGT est détectée. Cet appauvrissement reste effectif jusqu'à ce que tout le système soit réinitialisé, automatiquement ou manuellement, conformément aux procédures de redémarrage. Un affichage numérique de la température d'éjection fut adopté pour contrôler manuellement le trim en cas de panne. Ces modifications fonctionnèrent fort bien par la suite.

Le boîtier d'accessoires mécanique est placé le plus loin possible de la chaleur du moteur, relié par un long arbre de transmission.

Le J58 est équipé en outre, soit d'un démarreur pneumatique, soit à combustion fuel-air. Le dispositif d'allumage peut être un système Bendix-Scintilla, ou un système G.L.A. à haute énergie (basse tension), avec deux igniteurs.

Lockheed et Pratt & Whitney passèrent de nombreuses heures à coordonner l'entrée d'air et tout l'environnement du moteur tel que les trappes, dérivations etc..., afin que les capteurs de contrôle des paramètres du moteur et des entrées d'air n'en soient pas affectés. Le régulateur de décharge de la turbine est placé à 45 degrés d'un côté de la verticale du centre de gravité, alors que le renflement abritant le contrôle de température moteur est disposé à 45 degrés du côté opposé. Pour gagner du temps, Lockheed construisit les entrées d'air symétriques l'une par rapport à l'autre. Dans ces conditions, la raison pour laquelle l'un des moteurs tourne toujours plus vite que l'autre demeure l'un des grands mystères de cet avion.

©
Aérostories 2002

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Sommaire du dossier

1 : Genèse

> 1.1  Développement
> 1.2  Évolutions
> 1.3  Les essais
> 1.4  Perfectionnements
> 1.5  Projets et dérivés
> 1.6  Notes sur les désignations

2 : Description technique

> 2.1  Le compresseur
> 2.2  La chambre de combustion
> 2.3  La turbine
> 2.4  La postcombustion
> 2.5  Le dispositif de dérivation
> 2.6 
Équipements et accessoires
> 2.7  Régulation
> 2.8  Lubrification
> 2.9  Le carburant
> 2.10 Performances

3 : Utilisation (à paraître : N°13)

> 3.1 Introduction
> 3.2 Le combiné turbo-stato de Pratt & Whitney
> 3.3 L'entrée d'air
> 3.4 La tuyère
> 3.5 En vol
> 3.6 Désamorçages
> 3.7 Commande automatique
> 3.8 Mise à jour des techniques
> 3.9 Préparatifs

4 : En savoir plus sur le SR-71

Le J-58 fait partie de la génération de réacteurs dont le système de régulation est mécanique et hydraulique, mais intègre néanmoins quelques boîtiers électriques. Les balbutiements de l'électronique permirent de constantes améliorations dans la régulation très complexe de ce moteur (comme l'attestent les multiples équipements a l'avant du moteur). Le J-58 fut parmi les premiers à disposer d'un calculateur analogique pour sa régulation. Dans les années 1980, il reçut même des commandes numériques.
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Les boîtiers de régulation mécanique devaient résister aux très hautes températures, mais également aux fortes contraintes mécaniques et aux déformations de l'avion en vol, d'ou la taille et la complexité de certains de ces éléments. Sous le réacteur, a l'avant, on voit également la turbine de démarrage.
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