Philippe Ballarini

Les réacteurs à l'étoile rouge

En 1945, alors que l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis disposaient de chasseurs à réaction produits en série, l'U.R.S.S. marquaient le pas. Le pays qui avait vu naître Tsiolkovsy, le père de l'astronautique et qui, dans les années trente, était à la pointe du progrès en matière de fusées, accusait un sérieux retard.
Les constructeurs et ingénieurs avaient beau faire le siège du Commissariat à l'Aéronautique, on leur répondait invariablement que la réaction n'était pas une priorité.
17 millions de morts, soit 12% de sa population, plus de la moitié des tués de la guerre, un pays ravagé, c'était la situation de l'URSS en 1945. On peut comprendre  que les dirigeants soviétiques aient eu d'autres préoccupations.

Ils estimèrent que « le problème numéro un était de construire le plus grand nombre d'avions possible pour le front mais que tout ce qui concernait un développement ultérieur pouvait encore attendre. »
(  propos rapportés par  Yakovlev)

Un seul prototype d'avion à réaction (à moteur-fusée) a volé en URSS pendant la guerre, le Berezniak B.1, qui décolla pour la première fois le 15 mai 1942. Les multiples accidents qui sont survenus au cours des essais ont amené son abandon rapide, ainsi que celui de deux autres projets semblables.

La technologie du Reich au secours de l'U.R.S.S.

A l'automne 1945, les avionneurs soviétiques adressèrent une lettre au Comité Central, où ils exposaient en détail la situation préoccupante de l'industrie aéronautique soviétique. À l'inverse des autres belligérants, l'URSS avait vu le conflit mettre un sérieux coup de frein aux projets en cours, y compris à la turbine VRD-1 de 600 kg de poussée. Enfin, les dirigeants soviétiques décidèrent de donner un "coup de fouet" aux recherches aéronautiques. Il fut envisagé de produire en série le Me.262 de l'Allemagne vaincue.
Les Allemands avaient repoussé à l'est une grande partie de leurs usines et de leurs centres de recherche, pour échapper aux bombardements. L'occupation de ces territoires par les soviétiques s'accompagna d'une abondante moisson de matériels et de cerveaux. Furent capturés, entre autres, des Messerschmitt Me.262 et
Me.163, des Heinkel He.162, des Arado Ar.234 et surtout  des réacteurs BMW.003 et  Junkers Jumo.004 qui servirent de base aux premiers avions à réaction soviétiques.
En ce qui concerne l'idée de produire en série des Me-262 pour équiper l'Armée de l'Air  soviétique, Staline demanda leur avis à Mikoyan et à Yakovlev qui lui donnèrent un avis nettement défavorable, le Me.262 s'étant avéré un appareil dangereux. De plus, cette solution scléroserait inexorablement les bureaux d'études.
Après le feu vert de Staline, quatre constructeurs se lancèrent dans la course au premier chasseur à réaction soviétique: Lavochkin, Mikoyan, Sukhoï et Yakovlev.

MiG-9 ou Yak-15 ? Pile ou face?

Yakovlev et Mikoyan disposèrent de deux types de réacteurs: les Reaktinil Dvigatel qui n'étaient  en fait que des Jumo 004B pour le RD-10 et BMW 003A pour le RD-20 rebaptisés pour la circonstance. Les deux constructeurs purent travailler suffisamment rapidement pour que leurs prototypes soient prêts au printemps 1946.


Ils présentèrent en fait deux appareils d'aspect assez voisin, Mikoyan ayant choisi pour son MiG-9 le RD20 ex-BMW et Yakolev ayant équipé son Yak-15 du RD ex-Jumo.

Le 24 avril 1946, les deux appareils étaient prêts pour leur premier vol officiel. Lequel des deux aurait l'honneur d'être le premier chasseur à réaction soviétique? On tira simplement à pile ou face et ce fut le MiG-9 qui décolla le premier, suivi dix minutes plus tard par le Yak-15.

Le Mikoyan-Gurevitch MiG-9 appellation OTAN "Fargo"

Yakovlev Yak-15 "Feather"


Le MiG-9, directement inspiré par les travaux des chercheurs allemands "invités" à venir travailler pour le compte de l'URSS, malgré une vitesse de 910 km/h, n'était pas un appareil très performant. Pourtant il ouvrira la voie à un appareil nettement plus efficace qui montrera ses capacités et qui sera le symbole du redressement de l'industrie aéronautique soviétique, le MiG-15 qui, aux mains de pilotes chinois, fera ses preuves en Corée.


Alexandre S. Yakovlev opta pour une solution qui ne manquait pas d'astuce. En raison des nombreux accidents survenus en Occident, les avions à réaction s'étaient taillé une réputation exécrable auprès des pilotes soviétiques. Yakovlev, sans doute aussi pour gagner du temps, décida de ne pas dépayser les pilotes et de leur mettre entre les mains un appareil qui ne les dépayserait pas trop. Il adapta donc un réacteur à une cellule existante: le Yak-3.


L'appareil qui avait eu son heure de gloire pendant le conflit mondial et qui avait été choisi par Pierre Pouyade  pour équiper la fameuse "Normandie-Niemen" trouva ainsi une seconde jeunesse.


Face à ses contemporains, le Yak-15 faisait plutôt figure de bricolage. Pourtant, il sera le premier chasseur à réaction soviétique à être fabriqué en série et donnera naissance par la suite à de nombreux développements ultérieurs beaucoup moins artisanaux et bien plus redoutables.

MiG-15 "Fagot"

Yak-3

Yak-15

Yak17, évolution du Yak-15

Site assez riche, mais de navigation confuse.
Une astuce: en utilisant le mot-clé "monino" dans votre moteur de recherche, vous devez trouver des sites sur l'aviation soviétique.