Philippe Ballarini

Le temps des loups 4

Arado AR 234: un bombardier à réaction en 1945.

Le 20 juillet 1944, un biréacteur Arado Ar 234 "Blitz" (éclair) effectuait sa première mission de reconnaissance dans le ciel de Normandie. Il réussit à collecter en une demi-heure davantage de renseignements que toutes les unités d'observation de la Luftwaffe n'en avaient réuni dans les deux mois précédents.


Le projet de l'Ar.234
"Blitz" commença dans les bureaux de la société Arado au printemps 1941, à une époque où l'on savait que les réacteurs Jumo 004 seraient bientôt opérationnels.


Il s'agissait d'un biréacteur à aile haute, à l'aérodynamique particulièrement soignée. En raison de l'étroitesse du fuselage et pour gagner tant du poids que de l'espace à bord pour y loger des réservoirs accroissant le rayon d'action, on décida dans un premier temps de se passer de train d'atterrissage, selon une pratique fréquente chez les avionneurs allemands de l'époque. 


Les premiers modèles décollaient à partir d'un chariot qui, largué juste après le décollage, redescendait au bout d'un parachute. L'atterrissage s'effectuait sur des patins.


Comme pour le
Me.262, il fallut attendre que les réacteurs soient au point et l'Ar.234 fit son premier vol le 30 juin 1943. Tout se passa fort bien, si ce n'est que le parachute du chariot ne s'ouvrit pas.


Conçu comme appareil de reconnaissance, il excella dans cette mission en échappant  aux services de renseignements alliés pendant la campagne de France, se glissant derrière les lignes pour ses prises de vues.

L'Arado Ar.234 représentait l'un des derniers espoirs de la Luftwaffe, essentiellement en matière de reconnaissance aérienne, tâche pour laquelle il fut conçu et où il excella.

Un Arado "Blitz" décolle en utilisant son chariot tricycle. Ce système sera abandonné au profit d'un train rétractable classique.

Avec une vitesse de 740 km/h en palier, le "Blitz" était en mesure d'échapper à n'importe quel poursuivant éventuel, emportant sa moisson de photographies.

L'arrière du modèle Ar.234-B1 fut doté de deux canons de 20mm destinés à se défendre contre d'éventuels (et très improbables) poursuivants.
La surveillance de l'arrière et la visée s'effectuaient à l'aide d'un périscope installé sur la verrière.

Une version "Nachtjäger" de chasse nocturne fut développée, utilisant un radar embarqué.

La transformation du Ar.234 en bombardier ayant amené un surcroît de poids, il n'aurait pas pu décoller par vent trop faible. On l'équipa donc de  fusées d'appoint largables (visibles sous les ailes) destinées à donner une poussée importante au décollage. Cette technique RATO (Rocket Assisted Take-Off, décollage assisté par fusées) sera encore en vigueur en 2000 pour les Mirage IV stratégiques.

Devant les évidentes qualités de ce biréacteur monoplace, on s'ingénia à en extrapoler de nombreuses versions. On chercha en particulier à en faire un bombardier rapide, les bombes étant fixées sous les ailes en raison de l'exiguïté du fuselage, lequel contenait par ailleurs des réservoirs de carburant.

Dans les derniers temps du conflit, une version fut équipée de quatre turboréacteurs. Ainsi donc, l'Ar.234 ne se contenta pas d'être le premier bombardier à réaction: il fut également le premier quadriréacteur.

L'un des projets les plus originaux concernant cet appareil fut celui de lui adjoindre un appareil parasite, le E.381 "Julia". L'intercepteur monoplace dans lequel le pilote était couché à plat ventre aurait été amené à proximité des bombardiers alliés et largué à proximité. Sa mission terminée, il aurait regagné le sol en planant. (maquette Revell)

Beaucoup moins connu que les Me.163 "Komet" ou Me.262 "Schwalbe", l'Arado Ar.234 n'en est pas moins un appareil digne d'intérêt, pour preuve cet exemplaire prélevé par les alliés en 1945 sur les 210 Ar-234 construits et portant des cocardes anglaises!

Une excellente page sur les productions de la firme Arado.