C'est
le 6 janvier 1913 que naît Pierre Le Gloan dans une famille
de paysans modestes des Côtes-d'Armor (à cette époque, Côtes-du-Nord).
Très jeune passionné par l'aviation, Pierre obtient une
bourse d'état et, à l'âge de 18 ans, il devance l'appel.
Il arrive au 211, régiment aérien de Strasbourg et reçoit ses
ailes en août 1932. Une fois son service militaire terminé,
il s'engage et reçoit une affectation comme pilote au futur
GC 1/6.
Brillant pilote, avec le grade de sergent, il décroche son brevet
de chef de patrouille. Toutefois son caractère parfois difficile,
digne du vrai Breton qu'il est, ne lui attire pas que des
félicitations et son commandant de groupe le met à la disposition
du GC III/6 qui est en cours de création en mai 1939. Il est
adjudant-chef à la 5ème escadrille lorsque la guerre
éclate. Dès les premières escarmouches, Pierre Le Gloan se fait
remarquer par son agressivité face à l'ennemi. Il revendique
ainsi deux Dornier 17 avec le lieutenant Martin.
Le 31 mai, le III/6 est replié au Luc pour y être transformé
y être transformé sur Dewoitine 520 et protéger la côte sud
de la France d'une éventuelle attaque italienne. Elle
se produit le 10 juin. Trois jours plus tard, Pierre Le Gloan
descend deux Fiat BR.20, mais le 15, il va faire beaucoup mieux.
Ce jour-là, vers midi, la patrouille d'alerte du GC III/6
reçoit l'ordre de décoller. Des Fiat CR.42 escortant des
bombardiers BR.20 ont été signalés franchissant la frontière.
Les capitaines Jacobi et Bernache-Assolant courent jusqu'à
leur avion, s'installent et mettent le contact. Le Gloan
est arrêté net dans son élan par son mécano qui lui apprend
que son D.520 habituel (n° 277) n'est pas en état de décoller.
À une vingtaine de mètres, Le Gloan en aperçoit un autre que
les mécanos ont mis en route. Il n'hésite pas une
seconde, mais en grimpant sur l'aile, il marque un léger
temps d'arrêt : il a laissé son parachute dans son avion.
Tant pis ! Il n'a pas le temps d'aller le chercher,
l'ennemi n'attendra pas.
Chef de patrouille, Le Gloan décolle en tête, suivi par les
deux capitaines. Mais, peu après, Jacobi se plaint du
changement de pas de son hélice et doit faire demi-tour.
Le Gloan et Assoient prennent rapidement de l'altitude pour
se porter à 4 000 mètres, à la rencontre des Italiens qui survolent
St Raphaël. Ils aperçoivent douze Fiat CR.42 qui volent comme
à la parade, en quatre sections espacées, sans se soucier de
ce qui peut surgir sur leurs arrières. Ils font route en vitesse
de croisière vers le sud-ouest. Ils n'ont pas repéré
les deux Dewoitine.
Ceux-ci basculent et effectuent un virage aussi serré que possible
pour se retrouver dans le sillage des biplans. Les deux
Français ajustent calmement leur visée sur la dernière section,
Le Gloan sur l'ailier gauche et Assolant sur l'ailier
droit. Le premier Fiat pique instantanément en flammes vers
Beauvallon, et du second, sérieusement "seringué",
le pilote saute en parachute. Enfin alerté, le chef de section
réussit à fausser compagnie à ses agresseurs.
Assolant se rapproche de Le Gloan et par signes lui fait comprendre
que ses armes sont enrayées et qu'il rentre au bercail.
Le Gloan décide de poursuivre la patrouille et son attention
est attirée par des flocons de DCA à la verticale de Hyères.
Il met le cap au sud-ouest. Il tombe nez à nez avec un groupe
de trois CR.42 qui repartent vers l'Italie. Au cours du
bref engagement qui s'ensuit, Le Gloan descend l'un
d'eux qui s'écrase près de la côte. Huit autres
surgissent des nuages et tentent de surprendre le Français.
Mais Le Gloan les a vus et déjoue leur manœuvre en piquant "manette
dans la poche".
Pendant ce temps, le terrain du Luc reçoit la visite d'autres
avions italiens et Le Gloan reçoit par radio l'ordre de
rentrer sans tarder. Surprenant un Fiat dans sa passe de mitraillage,
il l'abat d'une courte rafale, à moins d'un kilomètre
de la piste. Il reprend alors de l'altitude pour maintenir
une couverture du terrain, tandis que d'autres D.520 sont
en train de décoller.
Le Gloan aperçoit vers 4 000 mètres un Fiat BR.20 venu photographier
le résultat de l'attaque. Deux passes suffisent à enflammer
le bimoteur, qui s'abat en flammes.
Au cours de cette sortie, qui n'a pas duré plus de trois
quarts d'heure, Le Gloan est crédité de cinq victoires confirmées,
dont les deux premières en collaboration avec Bernache-Assolant.
C'est un exploit qu'aucun pilote français n'a accompli
depuis René Fonck. D'ailleurs, le grand as de 14-18, alors
lieutenant-colonel et chef du groupe de contrôle aux armées,
dépendant de l'état-major général de l'armée de l'Air,
se rend quelques jours plus tard au Luc pour féliciter son cadet
et lui annoncer sa promotion au grade de sous-lieutenant.
Le voile tombe ensuite sur le GC III/6, qui est replié à Alger.
Tout change fin mai 1941 et la menace britannique sur le Levant
amène le haut commandement à envoyer le groupe en renfort.
Le 27 mai, sous les ordres du commandant Geille, il se pose
à Rayack (Liban). Le 8 juin, Britanniques et Français libres
passent à l'offensive.
Pierre Le Gloan revendique trois victoires contre des Hurricane
au cours des deux premiers jours. Le 15 juin, il rencontre six
Gladiator avec sa patrouille double. Comment imaginer que Le
Gloan n'a pas fait le rapprochement avec son combat contre
d'autres biplans, un an plus tôt, jour pour jour ? Excès
de confiance, orgueil exacerbé par le désir de renouveler son
exploit ? Quoi qu'il en soit, après avoir abattu un adversaire,
Le Gloan est mis en difficulté par deux autres qui le raccompagnent
manu militari au-dessus de ses lignes. Son brave D.520 n° 277
est sérieusement endommagé et Le Gloan se pose sur le ventre
à Rayack.
Le 9 septembre 1941, Pierre Le Gloan est promu au grade de lieutenant.
La chance voudra que le 8 novembre 1942, le brouillard empêche
le GC III/6 de décoller et évite un nouvel affrontement fratricide.
Deux jours plus tard, les Anglo-Américains sont redevenus nos
alliés.
Le III/6 est rééquipé en matériel américain, des P-39N, dont
les premiers exemplaires arrivent le 18 mai 1943. Huit jours
plus tard, Pierre Le Gloan est durement frappé par la perte
de son ami, Léon Richard.
Le 11 août 1943, Pierre Le Gloan prend le commandement de la
nouvelle 3ème escadrille du GC III/6, qui a repris
les traditions de la SPA 84 (le renard au monocle).
Et le III/6 enregistre les premiers incidents avec ses P-39.
Les moteurs Allison se signalent par des pannes fréquentes.
Or, le III/6 est engagé depuis le 11 août dans des missions
de patrouilles côtières, une activité que détestent souverainement
les pilotes de monomoteurs.
Le 11 septembre, Le Gloan décolle à 7h30 en compagnie du sergent
Colcomb pour l'une de ces missions. Après moins d'une
demi-heure de vol, Colcomb signale que le P-39 de son leader
(42-9421) émet une inquiétante fumée noire. Aussitôt, Le Gloan
fait demi-tour, mais au-dessus de Mostaganem, le moteur serre.
Il informe Colcomb qu'il va se poser sur le ventre. Colcomb
rapportera par la suite que la voix de son chef était calme
et sereine. Mais Le Gloan a oublié que son P-39 était équipé
d'un réservoir supplémentaire et au moment où celui-ci entre
en contact avec le sol, il explose, tuant le pilote sur le coup.
Coïncidence curieuse, Pierre Le Gloan est mort le même jour
que Georges Guynemer. Si sa disparition brutale et prématurée
est cruellement ressentie par ses équipiers et une grande partie
des aviateurs français, elle retire une belle épine du pied
de l'état-major qui, à cette époque, prépare la grande réconciliation
nationale avec la fusion des forces aériennes d'Afrique
et des forces aériennes françaises libres.
LE GLOAN Pierre († 11.09.1943)
Adjudant-chef
GC III/6
23.11.39 (2) Do 17 Verdun [55]
02.03.40 (2) Do 17 Bouzonville
[55]
11.05.40 (7) He 111 Pirey [25]
14.05.40 (4) He 111 Fougerolles [70]
13.06.40 (2) BR.20 Agay [83]
13.06.40 (2) BR.20 Cap Camarat [83]
15.06.40 (2) CR.42 Beauvallon [83]
15.06.40 (2) CR.42 Ramatuelle [83]
15.06.40 (1) CR.42 St-Amée [83]
15.06.40 (1) BR.20 Ferme Moulin Rouge
[83]
15.06.40 (1) CR.42 Ferme des Thermes
[83]
Sous-lieutenant
08.06.41 (1) Hurricane Damas [Levant]
09.06.41 (1) Hurricane Saïda [Levant]
09.06.41 (1) Hurricane Saïda [Levant]
15.06.41 (1) Gladiator Ezraa [Levant]
23.06.41 (1) Hurricane Rayack [Levant]
05.07.41 (2) Hurricane Deir-ez-Zor [Levant]
05.07.41 (3) Hurricane Deir-ez-Zor [Levant]
(entre
parenthèses, le nombre total de pilotes qui ont pris part à
la destruction de l'avion)
©Aéro
Editions, Aérostories, 2001