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Avec ses
14,5 tonnes de bombes incendiaires, le raid de Doolittle, pour
audacieux qu'il fût, n'avait qu'une valeur symbolique.
La perspective de bombardements stratégiques efficaces réclamait
d'autres moyens. On convoya des B-24 "Liberator"
vers la Chine via l'Afrique et l'Inde, mais les aéroports
chinois étaient tombés aux mains des Japonais avant qu'ils
ne fussent à pied d'œuvre.
Ni les B-17 "Flying Fortress", ni les B-24 "Liberator",
utilisés dans le soutien des forces terrestres comme arme tactique,
ne disposaient de l'autonomie suffisante pour effectuer des
bombardements stratégiques sur l'archipel japonais. Pour les
Américains, la solution résidait donc dans la conception et la
construction d'un bombardier "hemisphere defence",
capable d'emporter 10 tonnes de bombes sur plus de 8000 km.
Cet appareil sera le B-29 "Superfortress".
Cet avion, qui était un authentique défi technologique, nécessita
une équipe de 750 ingénieurs pour sa conception. Dans un fuselage
cylindrique, dix hommes d'équipage étaient installés dans
une cabine pressurisée. En effet, le B-29 devait pouvoir opérer
à une altitude de 30 000 pieds (9150 m), dans une atmosphère raréfiée,
relativement abrité des chasseurs ennemis. Les tourelles n'étaient
donc plus habitées, mais télécommandées depuis l'habitacle,
à l'exception de la tourelle de queue, pressurisée, où était
logé un mitrailleur.
Le 29 juin 1943 décollait le premier B-29 de série. Cet appareil,
qui jouera un rôle de premier plan dans la seconde guerre mondiale,
était propulsé par quatre moteurs en étoile Wright R-3350 de 2200
chevaux. Ce moteur était capricieux et peu fiable, ce qui n'arrangeait
pas les choses au regard des conditions extrêmes dans lesquelles
il était appelé à servir. Les équipages de B-29 devraient attendre
la fin du conflit pour pouvoir lui faire confiance.
Avant la reconquête d'îles du Pacifique suffisamment proches
de l'archipel nippon par la stratégie du "saute mouton"
adoptée par l'état-major américain, le B-29 ne pouvait utiliser
que des base situées en Inde. Or, en dépit de son exceptionnelle
autonomie, il n'était pas envisageable de bombarder le Japon
directement depuis les bases indiennes. Il fut donc décidé d'utiliser
une procédure assez complexe, mettant à contribution des aérodromes
chinois. Lorsqu'à l'été 44, des B-29 modifiés arrivèrent
en Inde, ils trouvèrent des terrains complètement inadaptés, à
tel point que les pilotes avaient surnommé l'un d'eux
(Charra) "l'antichambre de l'enfer". Ce n'était
pourtant qu'un avant-goût de ce qui les attendait en Chine.
Il fallut amener sur les bases chinoises la logistique de soutien
par voie terrestre.
Il fallut transformer ensuite en avions-citernes une vingtaine
de B-29 pour approvisionner les bases en territoire chinois. Le
ravitaillement commença le 24 avril 1944. Le fonctionnement fantaisiste
des moteurs Wright entraîna la perte de douze appareils au-dessus
du "hump", la "bosse" de l'Himalaya.
Le premier bombardement stratégique du Japon visait les usines
sidérurgiques de Yawata, sur l'île de Kiù Siù, à l'extrême
sud-ouest du Japon. Dans la nuit du 14 au 15 juin 1944, soixante-huit
"Superfortress" décollèrent de leur base chinoise. Une
s'écrasa au décollage, six durent larguer leur bombes prématurément
pour ennuis mécaniques, sept autres lancèrent leurs bombes hors
cible. La DCA abattit un B-29 et en endommagea six autres. Au
retour, deux appareils se perdirent dans les montagnes chinoises.
Lourd tribut pour une opération qui n'avait pas été très efficaces
en raison de mauvaises conditions météo au-dessus de Yawata! De
surcroît, il fallait attendre six semaines avant que les stocks
de carburant en Chine soient réapprovisionnés. Toujours est-il
que les bombardements du Japon commençaient réellement .
En dépit des perfectionnements apportés lors des raids suivants,
il fallut se rendre à l'évidence: il fallait abandonner l'idée
des bombardements menés depuis la Chine pour s'installer aux
îles Mariannes, dans le Pacifique Centre. Cette option était séduisante,
car le ravitaillement pouvait s'y faire par voie directe,
depuis les États-Unis.
Comme prévu, Guam, Tinian et Saïpan avaient été prises à la mi-août
1944. L'ouverture de bases aériennes américaines dans ces
îles de l'archipel des Mariannes bouleversait la donne et
sonnait l'heure des bombardements massifs contre tout le Japon.
©
Aérostories, 1999
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