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Le célèbre constructeur Lawrence D. Bell disait, évoquant le développement du Bell 47 : -"A cette époque, tout était à inventer. Nous avions des machines, il fallait trouver à quoi les utiliser. Les meilleurs d'entre nous ont été ceux qui ont continué, et continuent encore à chercher de nouveaux domaines d'utilisation…".
Prolongeant l'action des constructeurs qui ont su mettre au point des machines exploitables, quelques hommes se sont lancés il y a un demi-siècle dans l'aventure de l'hélicoptère civil. Jean Moine était de ceux-là.
Passionné depuis toujours par les choses de l'air, il fut à 21 ans l'un des premiers pilotes d'avion brevetés dans le cadre de l'Aviation populaire ; longtemps après, il se rappelait encore avec émotion ses premières heures de vol sur Potez 36, et le bonheur du vol qu'il éprouvait déjà intensément. Après la défaite de 1940 il rejoignit la France Libre pour servir comme officier pilote, conduisant son B-26 Marauder au terme de 46 missions de bombardement au sein du GB II/20 "Bretagne", avant d'être rendu à la vie civile en 1946. Il travailla quelque temps dans le transport aérien à la demande (Lignes Aériennes du Sud-Ouest, Air Nolis) avant de découvrir cette machine toute nouvelle qu'était l'hélicoptère. Séduit par les possibilités exceptionnelles des voilures tournantes, il prit contact avec Bell Aircraft, et se rendit aux USA pour obtenir son brevet chez le constructeur américain. A son retour de Niagara Falls, il avait compris la nécessité et l'intérêt de mettre en place en France une structure de formation au pilotage d'hélicoptères. Il créa en août 1950 la fameuse école Fenwick Aviation, qui a acquis très vite une réputation exceptionnelle. Entré dans la société Fenwick comme chef pilote, Jean Moine en a gravi tous les échelons pour en assumer finalement la présidence de 1966 à 1976. Après quoi il prit la tête du département hélicoptères du groupe Fraissinet et fonda Héli Services, non sans prendre sa part de la création du Secours Aérien Français. On lui doit également la création dès 1964 d'une école privée de pilotage IFR avion, la première en France, dont l'existence n'a pas été sans influencer l'évolution de la réglementation.
Remarquable organisateur et meneur d'hommes de talent, Jean Moine n'en était pas moins un esprit novateur et un grand pilote (IPP1, IPPH) pour qui voler était une raison de vivre. Ses carnets de vol en témoignent, à travers un nombre impressionnant de premières : premières missions de surveillance de lignes électriques (1950), premiers transports sous élingue en montagne (mars 1953), premier sauvetage en haute montagne en Europe, premières missions humanitaires en Grèce suite à un séisme (août 1953), premier poser au sommet du Mont Blanc avec un Bell 47G-2 (6 juin 1955), premières déposes de pilotes hauturiers, sous les couleurs d'Héli Services… Homme d'engagement, dont tous ceux qui l'ont rencontré ont pu ressentir l'inaliénable détermination, fidèle à ses racines aéronautiques, Jean Moine a présidé pendant 22 ans le club où il avait fait ses premières armes, et s'est affirmé comme un grand défenseur de la cause aéronautique. Président de l'Aéro-Club de France entre 1982 et 1986, non sans en avoir dirigé durant dix ans les travaux de la commission de giraviation, il est parmi les fondateurs du Groupement Français de l'Hélicoptère.
Jean Moine est parti le 7 mars 2000 pour d'autres cieux. Élevé à la dignité de Commandeur de la Légion d'Honneur, il est titulaire de la Croix de Guerre 1939-1945, de la Médaille de la Résistance, de la Médaille de l'Aéronautique et de l'US Air Medal.
© Aérostories, 2001.
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