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Algérie  1954-1962.

L'avion à plumes.

Lorsque au début de la rébellion les maquisards algériens  ont vu apparaître les hélicoptères dans le ciel, ils les ont baptisés l'avion à plumes à cause de leur voilure tournante.

Utilisé essentiellement pour des évacuations sanitaires  à la fin de la Guerre d'Indochine, l'hélicoptère possédait les qualités requises pour jouer un rôle de premier ordre dans la contre-guérilla. Dans l'immensité du territoire algérien et la diversité de son relief, il présentait l'avantage de pouvoir se poser dans les endroits inaccessibles aux véhicules, d'épargner aux troupes à pied de longues et épuisantes heures de marche et d'escalade, mais aussi de sauver des vies en évacuant rapidement les blessés. De plus, une utilisation tactique permettant d'amener rapidement et par surprise des troupes au plus près de l'adversaire et de la bataille, allait  métamorphoser l'hélicoptère en un véritable engin de combat. Pourtant, au milieu des années 50, peu d'hommes croyaient en cette machine fragile, tributaire de la météo et de l'altitude. Seuls quelques baroudeurs exceptionnels allaient contribuer à son succès : le colonel Brunet pour l'Armée de l'Air, le lieutenant-colonel Crespin pour l'Aviation Légère de l'Armée de Terre et le capitaine de corvette Babot pour l'Aéronavale. Tous trois n'auraient pas réussi sans la complicité de véritables chefs de guerre tel que le colonel Bigeard qui avec ses parachutistes fut l'un des premiers à expérimenter l'héliportage d'assaut.

Si au début de l'insurrection à peine quelques spécimens survolaient les djebels, des formations regroupant des hélicoptères légers, moyens et lourds ont fini par voir  le jour dans des conditions  difficiles, souvent contre vents et marées. Grâce à l'audace et à l'ingéniosité de leurs chefs et des équipages, des appareils ont été armés, des doctrines d'emploi élaborées et affinées. Que de chemin parcouru depuis la guerre d'Indochine où  l'on pensa interdire le port du macaron de pilote à des hommes que l'on ne prenait pas au sérieux et pour lesquels on n'avait pas prévu de relève !

__________


3 février 1960
Collision en plein vol


Le
Pirate est le surnom donné à un hélicoptère lourd de l'Armée de l'Air que l'on a armé d'un canon de 20 mm sur affût à la porte du cargo, et de deux mitrailleuses de sabord. Il s'agit du H 34  (ou Sikorsky S.58) qui, ainsi équipé, peut tournoyer au-dessus d'un point à surveiller, les armes toujours pointées vers la zone suspecte. Il peut intervenir à tout instant, contrairement aux avions qui ne peuvent que faire des passes intermittentes et dont l'axe de tir n'est pas mobile. C'est un gage de sécurité extraordinaire pour les équipages d'hélicoptères en phase finale d'approche sur des zones inhospitalières.

Le 3 février 1960, le lieutenant Miahle, leader
Pirate à l'Escadre d'Hélicoptères N° 3, arrive de Sidi-Aïch après 45 minutes de vol afin de participer à une opération  en Petite Kabylie. La veille, il a assisté à un grand briefing au cours duquel les consignes ont été données pour une action d'envergure dans le massif du Babor. C'est l'époque des grandes opérations menées par le général Challe et dont le but et de balayer toute l'Algérie d'ouest en est afin de débusquer les bandes rebelles réfugiées dans les djebels. La surprise étant de mise, une coordination très pointue des héliportages s'impose, avec un posé simultané du maximum de commandos. Des Bananes (hélicoptères surnommés ainsi en raison de leur forme) de l'aéronavale participeront également à l'action. La D.Z. (zone de posé) la plus à l'Est est octroyée aux marins, tandis que les deux autres sont affectées aux deux D.I.H. (Détachement d'Intervention Héliporté) de l'Armée de l'Air, le plus à l'ouest. Tout est parfaitement minuté car beaucoup d'appareils seront concentrés dans un petit volume, d'où une organisation parfaite de l'espace aérien en deux parties. Une fréquence radio sera attribuée à chaque zone afin d'éviter la cacophonie sur les ondes. La patrouille de T-6 qui doit assurer la protection de la D.Z. Est doit intervenir face au nord et donc dégager par la droite, manœuvre qui n'est pas naturelle, un chasseur ayant le réflexe de virer à gauche après un passage.

Il est huit heures et le soleil est encore bas sur l'horizon. Pendant que les hélicos chargent les commandos, Miahle repère la D.Z., une arête rocheuse nue, en contrebas du sommet du Babor, à près de 2 000 mètres d'altitude. Ne décelant aucun danger, le lieutenant décide de ne pas faire actionner les mitrailleuses de son appareil. Il survole la D.Z. afin de larguer un fumigène. Soudain, alors qu'il vient de remettre les gaz, un choc violent secoue l'appareil qui embarque vers la droite. Le lieutenant Miahle aperçoit alors un
T-6 sur le dos qui explose au sol. Les deux tireurs du Pirate annoncent dans l'interphone qu'ils voient un énorme trou dans la queue. Miahle réalise alors la collision, sans en imaginer l'extrême gravité.

-
Pirate, je me crashe, signale t-il par radio.
Tout se déroule très vite. Puisqu'il n'y a plus de fonction anti-couple, il faut baisser le pas, c'est-à-dire supprimer le moteur et descendre en auto-rotation pour annuler la rotation de l'appareil. Miahle aurait pu décider de rallier la vallée 1 000 mètres plus bas pour trouver une zone plane. Heureusement, la proximité de la montagne l'incite à rejoindre le sol immédiatement, car il ignore que la queue du
H 34 est coupée au niveau de la cocarde. Elle pend, retenue seulement par les deux petits câbles de commande du rotor arrière. Si elle venait à se détacher, le centrage dépasserait les limites avant et l'appareil piquerait comme un caillou.
La queue touche le sol en premier, faisant basculer le
Pirate vers l'avant. L'arête rocheuse est inclinée et le H 34 se couche sur le côté, glisse puis stoppe une fraction de seconde. Miahle croit que c'est gagné, mais la glissade reprend sur une pente plus forte.
-
Cette fois-ci, c'est la fin, grommelle t-il en se remémorant l'à-pic.
Une seconde après, l'hélicoptère s'immobilise définitivement, retenu par un arbuste. Le silence succède au vacarme de la glissade. Coincé du côté du rocher, le copilote lâche :
-
Après vous, mon lieutenant !
L'équipage est sain et sauf, sans une égratignure. Le ventre et le flanc droit du Pirate sont déchiquetés. Les réservoirs sont crevés et l'essence coule. C'est un miracle si le cargo, pourtant chargé de munitions explosives, ne s'embrase pas.
Les premiers commandos posés à terre reçoivent l'ordre de se diriger rapidement vers le
Pirate, non sans être accrochés dans leur progression par des fellaghas. L'équipage miraculé sera récupéré sain et sauf.
Pourquoi cette collision ? Le
T-6 aurait dû dégager à droite, mais dès l'instant où il a viré à gauche, il ne pouvait voir le Pirate qui était dans le soleil. De plus, Miahle ne l'a pas vu surgir car il était derrière. L'aile droite du T-6 s'est détachée après avoir heurté la queue du H 34 au niveau de la cocarde.
Deux jours plus tard, aux obsèques du pilote de
T-6, le lieutenant Miahle aura l'explication. En fait, l'équipier qui était en entraînement leader, avait assisté la veille au briefing. Seulement, au cours du vol, sa radio est tombée en panne. Après un battement d'aile, le lieutenant Latapie est passé devant, en ignorant la consigne de séparation d'espace. Comme il n'était pas sur la même fréquence que les hélicoptères, il ne les a pas entendus : par réflexe, il a dégagé à gauche !


© Aérostories, 2001. Tous droits réservés.


[forums]

par Patrick-Charles Renaud

Héliportage d'assaut par des H-34 de l'Armée de l'Air de parachutistes du 14ème RCP dans le nord-est de l'Algérie (secteur de La Calle) durant l'été 1960. Ce cargo pouvait emporter 12 commandos ou 1200 kg de fret avec plein complet (variable avec l'altitude), ou bien 8 blessés couchés + 2 assis.

©Collection D. Corby, via P. Ch. Renaud   Clic

Cette image fait partie de notre
collection de fonds d'écran

Après la mission, les mécaniciens recomplètent le plein d'un H-34 de la 23ème Escadre d'Hélicoptères sur le terrain de Batna, en mars 1961. Sa consommation était d'environ 360 litres par heure. H-34 est l'appellation de l'armée américaine, alors que Sikorsky S-58 est celle du constructeur.

©Collection J. Poiraud, via P. Ch. Renaud   Clic

Hélicoptère H-34 de l'Armée de l'Air en opération dans le Sud-Ouest de l'Algérie, du côté de Mécheria. Doté d'un moteur Wright de 1425 ch, sa vitesse de croisière atteignait 160 km/h, avec des pointes possibles jusqu'à 200 km/h. Il disposait d'une autonomie de 3 heures + une réserve de 30 minutes et pouvait monter jusqu'à 8500 pieds ( 3000 m ) avec une tonne de charge.

©Collection M. Baumgartner, via P. Ch. Renaud
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H-34 de l'Armée de l'Air en vol au-dessus des crêtes enneigées des montagnes de Kabylie. Cet hélicoptère lourd, également utilisé dans l'aéronavale, était très vulnérable aux tirs de l'ennemi, d'autant que sa structure contenait beaucoup de magnésium. Il brûlait très vite et intensément. Après incendie, il laissait au sol une plaque de métal fondu dont émergeaient le bloc moteur et quelques débris.

©Collection M. Boinot, via P. Ch. Renaud
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H-34 armé appelé Pirate dans l'Armée de l'Air. Il comportait un canon MG 151 de 20 mm (canon de fabrication allemande d'une cadence de tir de 700 coups / minute) à la porte du cargo, et deux mitrailleuses de sabord. Ce dipositif permettait d'assurer un tir continu, si besoin autour de l'objectif à traiter. Un Pirate était présent dans chaque détachement d'intervention héliporté (DIH) pour assurer la protection des cargos effectuant les héliportages.

©Collection H. Monrocq via P. Ch. Renaud
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Un Sikorsky H-34 basé à Telergma en 1958.
Illustration : B.Pautigny  © Wing Masters, 2001.  Clic

H-34 venant de déposer un stick de légionnaires du 2ème REI dans la région d'Aïn-Sefra en 1960.

© Photo 2ème REI              Clic
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