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Algérie  1954-1962.

Un IIiouchine sous le vent du Mistral

Dans des opérations de guérilla, la qualité première d'un avion de combat ne doit pas forcément être sa vitesse qui, plus elle est importante, interdit au pilote de bien observer ce qui se passe au sol. Pourtant, lors de la guerre d'Algérie, un jet à réaction a pratiquement été de tous les combats.
Dérivé du
Vampire britannique en substituant au réacteur Goblin un réacteur Nene plus puissant (le Nene "soviétisé" a équipé les fameux Mig 15 et Mig 17), le Mistral est le premier avion à réaction de l'Armée de l'Air Française à avoir été engagé dans des actions de guerre. Pour l'époque, c'était un remarquable intercepteur. Très léger grâce à sa structure en bois entoilé, il grimpait à 40 000 pieds - son plafond théorique - en dix minutes. Sa structure bipoutre le rendait difficilement accrochable par les radars, ce qui en faisait un avion furtif bien avant le concept. Outre sa vitesse qui lui permettait de se rendre sur un objectif à la vitesse de quatorze kilomètres à la minute dans un rayon de 1500 kilomètres, le Mistral était doté d'une bonne puissance de feu avec quatre canons de 20 mm à percussion électrique de 150 obus chacun (soit 600 obus en tout). Il pouvait larguer des bombes de 250 kg à 500 kg et emporter quatre roquettes sous chaque aile.
Si le
Mistral était d'une manœuvrabilité exceptionnelle en combat tournoyant, il se révélait moins performant lors de missions d'attaque au sol. Sa plate-forme de tir naturellement instable voyait ses défauts encore aggravés par sa grande sensibilité aux turbulences près du sol. Son autonomie était très limitée, et l'adjonction de réservoirs supplémentaires ou de charges extérieures, le métamorphosait en un veau poussif, lourd à manier. De plus, il était impossible de faire feu avec les quatre canons simultanément sans provoquer des vibrations telles que la verrière se déverrouillait et s'envolait. Il fallut installer d'urgence un sélecteur de tir pour n'utiliser que deux canons à la fois, et bricoler un système de sécurité verrière consistant à bloquer la poignée avec une ficelle ...
Néanmoins, avec ses qualités et ses défauts qui furent compensés par la hardiesse des pilotes et le génie des mécaniciens, le
Mistral a rempli de multiples missions, de l'interception pour lequel il avait été conçu, à l'appui-feu au sol  et au bombardement au profit des troupes au sol.

23 septembre 1960
Sous-lieutenant Lesaux
Sergent Mélot


Stationnée sur la base aérienne 156 de Bizerte en Tunisie, la 7° Escadre de Chasse est une unité de défense aérienne. Elle comprend deux escadrons : le 1/7
Provence et le 2/7 Nice.
Tout comme ses sœurs stationnées en Afrique du Nord (la 6° et la 8° E.C.) également équipées de
Mistral, la 7° E.C. se rend régulièrement sur la Base Aérienne 211 de Télergma, près de Constantine, pour y effectuer un séjour opérationnel. Sur cette véritable plaque tournante se tiennent en alerte permanente les appareils les plus divers : Corsair de l'Aéronavale, Mistral, P-47 Thunderbolt, hélicoptères, etc. Ils sont prêts à décoller à tout moment afin d'appuyer, dans tout le Constantinois, les troupes au sol  aux prises avec les moudjahid algériens.
Le 23 septembre 1960, en début d'après-midi, deux pilotes de l'E.C. 2/7
Nice (escadrille des Panthères) sont d'alerte dans la salle d'opérations de la base. Soudain, l'ordre de départ est donné. En combinaison de vol, pistolet Mac 50 dans le holster, le sergent Mélot et le sous-lieutenant Lesaux saisissent leur sac de cartes au 1/100 000ème, le casque de vol et le serre-tête avant de sauter dans la jeep qui fonce rapidement vers le parking des Mistral. Les mécaniciens enlèvent les sécurités de pitot, train, canons, siège éjectable, bombes, pendant que les pilotes s'installent dans leur avion et mettent en route. Ils attachent leur harnais pendant le roulage, tout en faisant leurs actions vitales.  La patrouille décolle, non pas pour prêter main-forte à des troupes au sol accrochées, mais pour intercepter, après détection des radars, un avion inconnu survolant le territoire. Bien qu'il ne soit que sous-officier, Mélot est l'un des rares pilotes à avoir été nommé chef de patrouille alors qu'il n'était encore que sergent.  Il dirige donc la patrouille avec le sous-lieutenant Lesaux pour équipier.
Depuis le début de la guerre d'Algérie, plusieurs missions d'interception ont déjà été accomplies, essentiellement par les
Mistral. L'espace aérien d'Afrique du Nord est l'objet d'une attention toute particulière, surtout en raison du trafic d'armes qui s'est développé au profit de la rébellion algérienne. Des appareils étrangers ravitaillent les maquis, souvent par parachutage de nuit, alors que d'autres s'éloignent de leur trajectoire, sciemment ou non.
En vue de l'objectif, Mélot identifie un
Illiouchine bimoteur immatriculé en U.R.S.S.. Le haut de la dérive est orné d'un drapeau rouge avec une faucille et un marteau qui ne laissent planer aucun doute sur la nationalité de l'appareil. Les chasseurs encadrent l'intrus en lui faisant signe de passer sur la fréquence d'interception. Appliquant à la lettre la procédure internationale, il lui est demandé de modifier sa route et de naviguer vers le nord, afin de sortir du territoire. Quelques prises de vues du dessus de l'appareil sont réalisées avec la caméra collimateur pour vérifier s'il ne dispose pas d'un équipement spécial destiné à filmer le théâtre des opérations. Cependant et malgré tout se remue-ménage autour de lui et sur les ondes, l'Illiouchine fait la sourde oreille et maintient son cap.
-
Il ne veut rien savoir, rend compte Mélot à la salle des opérations à Constantine.
Le général commandant le Centre de Contrôle à Constantine vient en personne à la radio. L'instant est grave car après les signaux internationaux, les
Mistral doivent procéder aux tirs d'intimidation.
La tension monte, d'autant plus qu'il s'agit d'un avion soviétique. Il faut respecter les règles et chercher à comprendre. Mélot sent bien que le général est inquiet. Avec son accord, il propose que le sous-lieutenant Lesaux reste sur la perche en position de tir (espacement nécessaire minimum en distance et en altitude pour effectuer une passe de straffing), pendant qu'il ralentit sa vitesse jusqu'à s'aligner sur celle de l'
Illiouchine. Il sort alors plein volets et le train d'atterrissage, puis passe sous le transporteur, le double tout doucement à quelques mètres. En remontant à son niveau, il met son réacteur pleine charge. Le bimoteur soviétique est pris dans le souffle du Mistral et dégringole de plusieurs centaines de pieds en battant des ailes. Il a compris. Le voilà d'accord pour suivre la patrouille.
Encadré par les deux chasseurs à réaction, l'
Illiouchine prend la direction de Boufarik, au sud-ouest d'Alger. A court de pétrole, Mélot demande la relève. Une trentaine de minutes après, deux autres avions prennent le relais, libérant les Mistral qui peuvent regagner Télergma.
L'
Illiouchine se posera sur la base de Boufarik où il sera cerné par des militaires en armes, prêts à accueillir et à interpeller les passagers en présence des autorités. En fait, le bimoteur transportait Sékou Touré, président de la Guinée, qui exercera un pouvoir dictatorial jusqu'à sa mort en 1984.
Quelques jours plus tard, le sergent Mélot recevra une lettre du général commandant le centre d'interception du Constantinois, qui le félicitera pour sa manœuvre. Il ne cachera pas son soulagement de ne pas avoir eu à prendre la décision de tirer sur Sékou Touré, passager d'un avion de la grande Union Soviétique !
Le sous-lieutenant Lesaux, qui a participé à cette interception, se tuera trois ans plus tard à Metz en sautant trop tard de son avion en panne de réacteur. Son parachute s'ouvrira, mais trop bas. Quant à Mélot, il s'est révélé tout au long de la guerre d'Algérie comme un pilote exceptionnel, aux nombreuses missions.
Cinq mois plus tard, une patrouille de
Mistral de l'E.C. 1/7 Provence devra monter d'un cran en exécutant des tirs d'intimidation à l'encontre d'un autre Illiouchine soviétique, à bord duquel se trouvait Léonid Brejnev, président du Praesidium du Soviet suprême, accompagné d'une importante délégation de hauts fonctionnaires qui se rendaient en visite officielle dans plusieurs Etats africains, dont le Maroc.

De 1955 à 1961, les
Mistral de l'Armée de l'Air ont accompli de nombreuses missions d'appui-feu et de bombardement en Algérie, au cours desquelles plusieurs pilotes ont été tués ou blessés en plein vol.. Certains de ceux qui ont réussi à s'éjecter après avoir été touché par des armes automatiques ont laissé comme dernière image celle d'un parachute se fanant dans le maquis...

©
Aérostories, 2001. Tous droits réservés.


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par Patrick-Charles Renaud

Le "Mistral" fut le premier appareil à réaction de l'Armée de l'Air à participer à des missions de guerre.

Clic                   ©Collection Michel Mélot

Mistral de la 7ème Escadre de Chasse.
Clic                ©Collection Marc Chesneau

Cette image fait partie de notre
collection de fonds d'écran

Largage d'un bidon de napalm par un Mistral de l'E.C. 2/7 Nice. La difficulté à déloger un adversaire dans un terrain rocailleux ou brousailleux, le souci d'économiser la vie des soldats en grande majorité appelés du contingent, a conduit le Commandement Français à employer le napalm (bidons spéciaux) durant la Guerre d'Algérie.

Clic                   ©Collection Michel Mélot

Mistral de la 7ème Escadre de Chasse sur le parking de la base aérienne de Bizerte-Sidi Ahmed en Tunisie.

Clic               ©Collection Marc Chesneau

Mistral de la 7ème Escadre de Chasse.
Clic                 ©Collection Marc Chesneau

SNCASE 535 "Mistral" de l'EC I/20. Aurès-Nementcha 1958.
Illustration : B. Pautigny © Wing Masters, 2001   Clic

Mistral de la 7ème E.C. en patrouille dans le ciel de Tunisie. Cet avion à réaction a accompli de nombreuses missions de bombardement et d'appui-feu durant la Guerre d'Algérie qu'il termina à bout de souffle.
Clic                  ©Collection Michel Mélot

Briefing avant mission de pilotes de l'E.C. 2/7 Nice. De gauche à droite : Capitaine Mazuet (assis), lieutenant Ross, lieutenant Grimaud, sergent Mélot. Au tableau : sous-lieutenant Jeudi. Le sergent Mélot a chaussé les bottes de vol Mistral, spécialement conçues pour ne pas avoir froid en altitude. Les pilotes portent la combinaison anti-G.

Clic                  ©Collection Michel Mélot

Quelques vues de l'Iliouchine soviétique prises par la caméra collimateur du sergent Mélot au moment de l'interception.                 Clic 

©Collection Michel Mélot. Droits réservés.

Le sergent Mélot aux commandes d'un "Mistral" de l'E.C. 2/7 Nice (l'escadrille des Panthères). Ce sous-officier, remarquable pilote, fut l'un des rares dans toute l'histoire de la chasse à avoir été breveté chef de patrouille alors qu'il n'était que sergent. En vol, il pouvait diriger des lieutenants!

Clic                ©Collection Michel Mélot
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