[accueil]  [sommaire général]  [sommaire précédent]  [forums]  [modelstories]  [livres & magazines]  [liens]

VTOL/ADAV:
Les appareils à décollage et atterrissage verticaux

2: Deutsche Träume

A l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, le temps des inventeurs est à peu près révolu. L'aviation est maintenant la chose de grandes industries (ce qui n'empêche pas toujours les projets farfelus). Les plus décidés dans le domaine, et qui iront le plus loin dans l'étude, à défaut de réalisation, ce sont les Allemands. Dès 1941, ils cherchent à mettre au point, afin d'assurer la défense des navires marchands,  un chasseur embarqué à rotor basculant : le Fa 269. La lignée des tilt-rotors allemands, qui trouve son origine dans un brevet Dornier de 1921 et sa concrétisation dans le prototype Do 29 de 1959 a la particularité d'être équipée de rotors propulsifs basculant vers le dessous. Des essais en soufflerie du Fa 269 sont menés et une maquette grandeur aurait même été construite en 1943 mais quelques bombes américaines vinrent mettre fin à l'expérience. Selon Smith et Kay (German Aircraft of the 2nd World War) les ingénieurs de chez Focke Achgelis estimaient qu'environ 5 ans de développements étaient nécessaires pour perfectionner la cinématique d'entraînement des rotors … manifestement en 1944 les "Konstrukteure" allemands avaient d'autres axes de recherche plus pressants. Il est toutefois intéressant de noter que le chasseur embarqué fut l'axe de réflexion qui généra les premiers VTO fonctionnels après la guerre.
Dès 1940 Wernher von Braun avait pressenti que dans une guerre future, les grands aérodromes seraient des cibles faciles pour les bombardements et avait proposé un avion-fusée à décollage vertical qui pouvait être tiré soit de hangar-blockhaus , soit…entre deux camions. Ceci finit par inspirer toute la série des Objektschutzjäger (Chasseur de Défense Ponctuelle) lancés sur rampe et rentrant en parachute (Natter, Julia, Junkers "Elli" et l'éminement douteux Sombold) qui par conséquent sont hors-sujet Par contre dès 1942, un autre précurseur, Otto Muck déposa un brevet pour un VTOL tail-sitter doté d'hélices contra-rotatives qui préfigurait très exactement le Lockheed XFV-1 construit 10 ans plus tard. Muck fut un "Tournesol" à l'Allemande : ingénieur électricien, consultant chez Siemens il proposa dans un mémorandum de 1944 de bombarder l'Angleterre avec des canons électriques installés dans les anciens puits de mine de la région Lilloise. Il semble qu'il ait aussi été intéressé (après guerre) dans la quête de l' Atlantide (et là c'est plutôt le côté Challenger ou Clairembart qui ressort). Mais son VTOL était bien plus plausible que les "délires" d'une maison "sérieuse" comme Dornier qui breveta des hélicoptères avec le rotor calé à 45° ou des rotors rétractables dans les ailes! Mais "LE" VTOL (Comme Irène Adler était "LA" femme dans les aventures de Sherlock Holmes) allemand par excellence, représentant de tous les délires aéronautiques nazis reste le Focke-Wulf Triebflügel. Tout avait commencé en 1940 quand fut remarqué le modèle volant "Libelle" (Libellule) du Professeur de l'Institut de Zoologie de Gottingen (et membre du NSFK) von Holst. Dans le cadre de ses études sur les insectes Von Holst avait construit un ornithoptère doté de 2 paires d'ailes qui volait remarquablement bien, phénomène rare pour un ornithoptère. Ses travaux l'amenèrent en suite à simplifier le système en remplaçant le mouvement de battement d'ailes par un mouvement de rotation. Tant est si bien qu'en 1944 il approcha Focke-Wulf pour leur suggérer de construire un avion réel à l'image de ses modèles réduits. Cela tombait bien car au même moment l'Ingénieur Pabst qui travaillait sur les stato-réacteurs était arrivé à concevoir un propulseur de ce type en forme d'œuf et donc beaucoup plus compact que les "tuyaux de pôele" étudiés par son confrère Sänger. Se posait alors le problème d'attacher ce nouveau moteur (qui était en parallèle en essai au banc) à une cellule. Plusieurs projets furent envisagés dans lesquels les propulseurs étaient fixés aux empennages d'un avion traditionnel (par exemple le jet TA 183). Mais comme le statoréacteur ne fonctionne qu'au-delà d'une certaine vitesse il fallait accélérer l'avion jusqu'à ce qu'il ait atteint cette vitesse soit par une catapulte (peu pratique car demande une infrastructure dédiée à une époque où les terrains d'aviation de la Luftwaffe faisaient l'objet d'une "attention soutenue" de la part des Alliés) soit par un moteur fusée (complexe et dangereux d'emploi voir le Me 163). La solution consistant à entraîner un rotor avec ces moteurs était donc parfaite : une simple fusée à poudre suffisait pour lancer le rotor à la vitesse voulue; en mettant le rotor en position neutre l'avion ne décollait pas et en associant les "mini-statos" de Pabst à un ornithoptère à rotors de von Holst on pouvait obtenir un avion à décollage et atterrissage vertical qui arrivait à point nommé vu la pression exercée par les 9th Air Force et RAF sur les terrains d'aviation de la Luftwaffe. Ce projet révolutionnaire ne déboucha sur aucune matérialisation et reste encore aujourd'hui confus dans sa mise en œuvre. Par exemple le croquis 0310240-01, contrairement aux autres croquis , montre un rotor à pales droites (sur les autres croquis les pales sont vrillées comme sur une hélice traditionnelle) et que l'on arrêtait en vol de translation, les 3 statos participant à la propulsion par poussée directe…Cette solution, extrêmement complexe à mettre en œuvre pour le pilote, ne paraît toutefois pas avoir été retenue, tous les autres croquis montrant des pales vrillées (impossible à utiliser comme ailes fixes donc) et avec un armement désaxé par rapport à l'axe de rotation du rotor ce qui est logique car pour accorder une composante de portance au rotor il faut que l'avion vole légèrement cabré.
Heinkel de son côté proposa en mars 1945, sous la signature de l'ingénieur Reiniger cinq appareils semblables dans leur configuration générale : une aile annulaire carénant une ou plusieurs hélices permettant le décollage, le vol puis l'atterrissage d'un chasseur très compact qui semble avoir repris des éléments (le poste de pilotage et l'armement en particulier) du projet He P1076 Julia. La série des Lerche (Alouette) était propulsée par un couple de moteurs à piston, tandis que le Wespe (Guêpe) bénéficiait du dernier cri de la technique : le turbopropulseur. L'étude de Reiniger est remarquable car c'est la première à avoir décrit toutes les phases du vol d'un VTOL avec en particulier les deux transitions nécessaires pour un vol complet.
Pour conclure sur les rêves allemands notons quelques précurseurs comme le Docteur-Ingénieur Jacob Noeggerath qui déposa un brevet de tilt-wing dès 1925 , Herr Oplater qui décrivit en 1933 un concept de soufflante noyée dans l'aile dans l'esprit de ce que fera plus tard le XV-5 et la firme Weser, qui en 1938, sous l'influence de son nouveau Directeur Technique le Dr Rohrbach, proposa un avion de reconnaissance tilt-wing doté d'une vitesse calculée de 650 km/h, le WP1003/1.
Fin 1945, indépendamment de l'apport technologique discutable que pouvaient représenter des projets trop avancés pour leur époque comme le Triebflügel ou les engins de Reiniger, l'apport fondamental a été tactique : enfin commençait à s'ébaucher une doctrine d'emploi des VTOL : opérant à partir de navires de petite taille (imaginez des corsaires genre KMS Atlantis équipés de Fa 269…ou à l'inverse des Weser P1003 protégeant un convoi) ou déployés à partir de terrains camouflés, voir au milieu de forêts (et là effectivement le Natter peut être vu comme une version "dégradée" du Triebflügel ou du Wespe…) ils pouvaient représenter la composante aérienne de la défense rapprochée d'un objectif sensible.

©
Aérostories, 2001.

[ suite ]

par Jean-Christophe Carbonel

Le Focke-Achgelis FA 269 est un projet de chasseur embarqué bi-rotor (mais monomoteur) destiné à la défense des navires marchands. Ce plan est le seul document qui subsiste de cet intéressant programme qui atteignit toutefois l'étape de  la maquette de soufflerie. (Illustration : collection de l'auteur)    Clic

Au milieu des années 30, Trenn breveta cette plate-forme volante. Comme on peut le voir sur cette reconstruction la visibilité vers le bas du pilote était quasi-inexistante ce qui, non seulement aurait posé quelques problèmes à l'atterrissage, mais pose la question de l'usage auquel cet engin pouvait être destiné. Maquette de l'auteur au 1/48. Figurines Hasegawa. (Illustration : photo de l'auteur)       Clic

Ce brevet Dornier dénote l'embarras devant lequel se trouvaient même des firmes de premier plan : le rotor calé à 45° vers l'avant paraît aujourd'hui avec le recul assez baroque. (illustration : collection de l'auteur)    Clic

Le Focke Wulf Triebflügel fut le seul VTOL développé durant la 2ème guerre mondiale par l'Allemagne qui s'approcha un peu de la réalisation effective. Ceci était probablement du à ce qu'il représentait une solution synthétique à de nombreux problèmes de l'époque : s'affranchir des pistes d'aérodromes régulièrement dévastées par les alliés (solution : VTOL), intercepter des appareils évoluant à haute altitude à grande vitesse (solution : jet), utiliser une solution simple et peu coûteuse (solution : statoréacteur). Ici une curieuse version bipale à poste de pilotage reporté sur l'arrière publiée après la guerre par Flieger Welt.                          Clic

Focke Wulf Triebflügel version à rotor tripale. Reconstruction par l'auteur d'une version opérationnelle sur la base du kit Arba au 1/48èmeClic

le Heinkel Lerche est intéressant par sa compacité (par rapport à l'immense rotor du Triebflügel)  et pour avoir le premier illustré toutes les phases du vol d'un VTOL (illustration : Reiniger, collection de l'auteur, via Steve Coates)                        Clic

Retrouvez les VTOL/ADAV en maquettes dans Modelstories.