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La renaissance de l'armée de l'Air
1945 - 1950

version pdf
8 pages A4
254 ko

par C-J. Ehrengardt

5 - Le rêve d'indépendance

Il est évident au sortir de la Seconde Guerre mondiale que Hiroshima a changé la donne. Le bombardier stratégique doté de l'arme nucléaire semble désormais en mesure de réaliser le rêve de Douhet : gagner la guerre à lui seul.

L'armée de l'Air émerge du conflit avec seulement deux groupes de bombardiers lourds, déjà anciens et fatigués. Sur le plan financier, il apparaît illusoire de penser à les remplacer par des modèles récents en nombre suffisant pour rendre cette force crédible. Par ailleurs, la France ne possède pas la bombe atomique et elle devra encore l'attendre quelques années. La sagesse veut donc qu'elle se range sous le " parapluie aérien " que les Américains déploient en Europe occidentale, alors que s'accroît la tension entre les États-Unis et l'Union Soviétique.

Or, le bombardement stratégique a toujours été jusqu'ici le cheval de bataille des " indépendantistes ". Puisqu'il lui est dénié par les dures réalités économiques du moment, l'état-major Air redéploie sa stratégie vers la maîtrise de l'air pour affirmer son indépendance vis-à-vis des autres armées. Cette profession de foi fait fi d'un certain nombre de considérations. Ses appareils de combat sont tous de type ancien et d'origine étrangère. Le " Lend-Lease " s'achevant prématurément sur ordre de Truman, les Français doivent choisir entre payer les avions qu'ils possèdent ou les rendre. Même si Américains et Britanniques font cadeau d'un certain nombre d'appareils, parce qu'ils les considèrent comme périmés, ils présenteront la facture pour les rechanges et les moteurs - une autre coupe dans un budget déjà serré. L'aviation française se trouve donc totalement dépendante de ses alliés qui peuvent à tout moment couper le robinet des rechanges et réduire le potentiel de l'armée de l'Air à néant. Il est manifeste que l'industrie aéronautique française ne sera pas en mesure de proposer des avions de combat performants avant plusieurs années et qu'il faudra à court terme se résoudre à acheter les avions et les licences de construction que nos alliés voudront bien nous vendre. Sur le plan politique, la France est intégrée au dispositif allié, dominé économiquement et militairement par les États-Unis. Bien que les Français aient la mauvaise manie de jouer aux francs-tireurs, leur marge de manœuvre est faible.

C'est dans ce contexte très particulier que le général Bouscat, qui retrouve son poste de chef d'état-major fin février 1946, doit affronter l'hostilité du général Juin. Leur conflit ne date pas d'hier, puisqu'il remonte à l'été 1944, quand Juin, qui venait d'être nommé chef d'état-major de la Défense nationale, avait manifesté sa volonté de remettre en cause l'indépendance des forces aériennes françaises que la Terre avait dû concéder sous la vive pression des Américains. L'armée de Terre avait fait le gros dos jusqu'à la fin des hostilités, mais la situation nouvelle créée par le retour à la paix voit les vieux antagonismes remonter à la surface. Aux exigences de la Terre qui réclame que l'aviation soit mise au service des troupes terrestres, Bouscat réplique qu'en cas de nouveau conflit la France aura à se battre seule le temps que les renforts américains arrivent et que la supériorité aérienne doit être sa principale mission. De manière optimiste, il déclare que les P-47 Thunderbolt peuvent tout aussi bien être employés comme chasseurs-bombardiers et comme avions de supériorité aérienne
[2]. C'est faire peu de cas du fait que l'USAAF a renoncé depuis plus d'un an à faire endosser ce rôle au P-47, désormais relégué en seconde ligne et bientôt proposé à l'export aux nations les moins fortunées. C'est aussi occulter le fait que la RAF, l'USAAF et l'US Navy ont déployé d'importants effectifs tant en Europe occidentale qu'en Méditerranée pour parer dans les plus brefs délais à toute menace. De toute évidence, la position de Bouscat est intenable.

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©
Aéro-Editions, Aérostories,2003.

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> Du neuf avec du vieux

> La crise industrielle

> Le rêve d'indépendance

> Un rapport en forme de guillotine

Les unités ayant reçu un code tactique allié en 1945 continuèrent à le porter quelque temps, comme on le voit ici.
Alignement du GC 2/4 Lafayette à Coblence vers 1947.

Collection J. Mutin

De Havilland Vampire FB. 5 (VZ 197)
EC 3/4 Flandre
Friedrichshafen, 1950
Copyright P-A. Tilley
Avec l'aimable autorisation de Aéro-Editions

[2] Paradoxalement aucune unité sur P-47 n'est alors affectée à la défense aérienne du territoire !

Cet article est extrait du dossier "Renaissance de l'armée de l'Air 1945-1950", paru dans Aéro-Journal N° 31 de juin-juillet 2003. Cliquez sur la couverture pour en connaître le sommaire dans l'Aérobibliothèque .