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La renaissance de l'armée de l'Air
1945 - 1950

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8 pages A4
254 ko

par C-J. Ehrengardt

2 - Assemblage et bricolage

Depuis les accords signés fin juillet 1941 avec l'Allemagne, la plupart des usines de construction aéronautique n'ont pas cessé de tourner. Celles de la zone occupée ont livré des Arado Ar 196 (SNCASO St-Nazaire), Dornier Do 24 (SCAN Les Mureaux), Fieseler Fi 156 (Morane-Saulnier Puteaux), Junkers Ju 52 (SECM Colombes), Messerschmitt Bf 108 (SNCAN Les Mureaux) et Siebel Si 204 (SNCAC Bourges). En contrepartie de cette collaboration, les usines de la zone libre ont été autorisées à fournir du matériel neuf à l'armée de l'Air, principalement D.520 (SNCASE Toulouse) et LeO 451 (SNCASE Ambérieu). Après l'invasion de la zone libre, en novembre 1942, la production s'est poursuivie, mais au profit de la Luftwaffe. En outre, les Allemands avaient implanté eux-mêmes des Frontreparatur pour la réparation d'avions de combat (Fw 190A et Ju 88A). Dès le départ des Allemands, les chaînes sont remises en route au bénéfice des combattants français, FFI d'abord, forces aériennes françaises régulières ensuite.

Parmi le matériel de conception française, ce sont surtout les Dewoitine D.520 qui bénéficient de la priorité. Toutefois, leur construction en série ne sera pas reprise, pas davantage que celle des autres appareils de combat de la période 1940-42, tout au moins au profit de l'armée de l'Air. Les D.520 livrés ne sont que des machines reconditionnées ou assemblées à partir d'éléments déjà fabriqués.

C'est aussi le cas du Junkers Ju 88A,  bombardier dont les forces aériennes françaises ont le plus grand besoin pour libérer le territoire national qui n'est pas sous la juridiction des armées alliées. Seize machines, assemblées de bric et de broc à Toulouse avec des éléments retrouvés sur divers sites, sont livrées avant le 8 mai 1945 [2]. En parallèle, le ministère passe le marché 10/44 en date du 2 octobre portant sur la livraison de 67 appareils par les Ateliers aéronautiques de Boulogne (AAB). Ceux-ci sont absorbés par la SNCASE en septembre 1945, date à laquelle le 83ème et dernier Ju 88A est pris en compte par l'armée de l'Air.

Les Allemands ont installé un atelier de Frontreparatur pour Focke-Wulf Fw 190A dans une ancienne carrière à Cravant (Yonne). Après leur départ, les Français y recensent 127 fuselages et 162 voilures en bon état apparent. Il est donc assez tentant de les marier à la bonne centaine de moteurs BMW 801 retrouvés dans des dépôts un peu partout en France, mais surtout dans les grottes de St-Astier (Dordogne). Les Ateliers aéronautiques de Colombes qui prennent en charge la maîtrise d'œuvre, estiment que 125 Fw 190A peuvent être livrés à l'armée de l'Air dans les six mois qui viennent. Les fuselages se présentent en trois versions distinctes, A-4, A-5 et A-8, mais les voilures sont toutes identiques.

L'assemblage commence dès la mi-septembre 1944 sous la dénomination AACr-6 (Ateliers aéronautiques de Cravant), rapidement remplacée par celle de NC-900. Ce n'est pourtant que le 1er mars 1945 que la première machine vole. Les ateliers se heurtent très vite à de nombreuses difficultés. La qualité générale des cellules laisse à désirer. Manifestement, ces appareils n'avaient pas été construits pour durer. Il est vrai qu'à l'été 1944, l'espérance de vie moyenne d'un chasseur allemand n'excédait pas trois heures ! Le recyclage hâtif des métaux laisse apparaître des pailles pouvant aller jusqu'à entraîner la rupture d'un longeron sous facteur de charge élevé. Beaucoup de moteurs et de cellules ont été victimes de sabotages de la part des ouvriers français. Très discrets, pour ne pas entraîner de représailles, ces sabotages jouent en fait sur les cotes de tolérance dont l'effet cumulatif peut s'avérer fatal. Ils sont d'ailleurs si discrets que les AACr éprouvent toutes les peines du monde à les déceler.

La lenteur des cadences et le fait que ces appareils soient considérés comme potentiellement dangereux entraînent une réduction de la commande à 65 exemplaires. En octobre, le GC III/5, le célèbre Normandie-Niémen, prend en compte ses six premiers NC-900. L'état-major a en effet prévu de remplacer les Yak-3, qui souffrent du manque de rechanges (et aussi du fait qu'ils n'avaient pas été non plus conçus pour durer), par son ennemi le plus farouche. L'initiative est plutôt mal accueillie par les pilotes du " Neu-Neu " et d'emblée le NC-900 souffre d'un déficit total de sympathie. Il a été d'abord envisagé de créer une quatrième escadrille, mais finalement ce sont les 2ème et 3ème escadrilles qui sont transformées. En tout 14 machines sont livrées au III/5 avant la fin de l'année 1945. Toutefois, dès janvier 1946 survient le premier d'une longue liste d'accidents. Certains sont allés jusqu'à soupçonner les pilotes d'avoir volontairement " crashé " leur appareil pour en être débarrassés plus vite. Quoi qu'il en soit, le NC-900 ne reste que dix-huit mois en service où il accumule les déboires et donne la migraine aux mécanos. Les autres exemplaires sont livrés au CEV de Brétigny. Le NC-900 effectue son dernier vol le 22 juin 1949 à l'occasion d'une prise de vue, d'ailleurs ratée, pour le tournage d'un film.

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©
Aéro-Editions, Aérostories,2003.

> Sommaire de l'article

> État des lieux

> Assemblage et bricolage

> Du neuf avec du vieux

> La crise industrielle

> Le rêve d'indépendance


> Un rapport en forme de guillotine

AAB-1 (Ju 88A) n°50
EPS 1/81
Sidi-Ahmed, début 1946
Copyright P-A. Tilley
Avec l'aimable autorisation d'Aéro-Editions International

Alignement de NC-900 du GC III/5 Normandie-Niémen à Toussus-le-Noble vers 1947.
Collection J. Bresson

Cet article est extrait du dossier "Renaissance de l'armée de l'Air 1945-1950", paru dans Aéro-Journal N° 31 de juin-juillet 2003. Cliquez sur la couverture pour en connaître le sommaire dans l'Aérobibliothèque .