"Connie" et moi

Les modèles 1049 et 1049C étaient un peu bruyants à cause des pipes d'échappement qui étaient courtes. Démarrage d'un L 1049. Click!

Cliché Craig Simmons.

Thanks Craig for this nice shot!

La relative fragilité des moteurs du Constellation amenait assez fréquemment à ce genre de situation: l'arrêt d'un moteur et la mise en drapeau de son hélice. Heureusement, les qualités en vol du Constellation lui permettaient de voler de façon satisfaisante même avec deux moteurs arrêtés sur le même bord.

Gageons que ce genre de spectacle ne devait néanmoins pas être des plus rassurants pour des passagers.

Click!    Collection M. Léveillard.

Le "boss" d'Eastern Airlines était Edward "Eddie" Rickenbacker, le célèbre as américain (26 victoires) de la Première Guerre Mondiale. Il quitta sa compagnie en 1963, à la mise en service des jets. Eastern Airlines cessa son exploitation en 1991.

Click!   Document de droite: U.S. National Archives

Un Constellation d'Eastern Airlines en vol. Difficile de ne pas être sensible à la grâce de cet appareil.   

Click!        Collection M. Léveillard.

Le rôle d'un mécanicien de bord avait beau être très important à bord des Constellation, son poste n'en était pas moins spartiate.

  Click!       Collection M. Léveillard.

L'une des caractéristiques du Constellation était son train avant démesuré qui lui donnait au sol des allures d'échassier. 

De gauche à droite: le propriétaire du Connie, le commandant de bord (décontracté) et le mécano de bord. Click!

Photo Mike Leveillard.

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par Michel Léveillard

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Comme tout avion construit par Lockheed, le Constellation était à l'avant-garde des autres avions de transport contemporains. A la Eastern Airlines, entre 1963 et 1966, nous avions trois différents modèles du "Connie": le 1049, le 1049C et le 1049G. J'ai eu le privilège de piloter ces belles machines pour un peu plus de 300 heures, ce qui est peu pour une carrière de près de 27.000 heures de vol, mais ce furent 300 heures inoubliables.


Cet avion avait une silhouette extraordinaire, vraiment admirable quand nous les croisions en vol. Vu de haut, le plan de forme de l'aile ressemblait beaucoup a celle du P-38 "Lightning" qui avait servi de modèle. Au sol, l'avion avait une hauteur importante sur son train d'atterrissage, et il y avait pas mal de marches à grimper pour accéder à la cabine.


Pour la visite pré-vol du mécanicien de bord, la vérification des réservoirs d'essence sur les ailes, et des réservoirs d'huile sur les nacelles des moteurs, il fallait quelqu'un qui n'aie pas le vertige... Le mécanicien de bord était un personnage important sur les "Constellation". Il avait la charge de tous les systèmes, le contrôle de toutes les manettes des moteurs à l'exception des contacts magnétos, et accès aux manettes des gaz qui pouvaient aussi être contrôlées par le Commandant de bord ou le copilote. Donc, pour le démarrage des moteurs, la seule chose à faire par le pilote était de mettre les contacts magnétos quand le mécano avait fait tourner le moteur et compté 6 pales d'hélice. En vol, c'était le mécanicien de bord qui contrôlait entre autres la puissance des moteurs et le pas des hélices.


Le roulage au sol était très aisé jusqu'à l'arrivée en bout de piste pour le point fixe, car cet avion avait un train d'atterrissage bizarre avec un "walking beam" , conçu pour amortir et adoucir les atterrissages. Au point fixe, l'appareil faisait de ce fait une sorte d'embardée sur l'avant, ce que nous appelions mettre l'avion "on the step".


Cet avion avait des systèmes hydrauliques étonnants, avec une contenance totale de fluide hydraulique de 55 gallons (250 litres) contenue dans plusieurs réservoirs. Avec les "boosts" hydrauliques, le pilotage était particulièrement aisé, ce qui nous amenait à comparer nos "Connies" à des Cadillac. Sans l'assistance hydraulique, il aurait fallu posséder de bien gros muscles!


Toutes les caractéristiques de vol étaient bonnes, même avec deux moteurs en panne sur la même aile avec les hélices en drapeau. Pendant l'entraînement en vol, nous devions faire une série de décrochages, et cela se faisait sans grande difficulté. Les atterrissages étaient faciles, et à l'aéroport de Washington DC nous atterrissions régulièrement sur une piste de 5.000 pieds. ( environ 1500 mètres).


Le modèle 1049G avait des moteurs compound, chaque moteur était équipé de trois petites turbines appelées "power recovery turbines" (PRTs). Ces turbines étaient localisées dans la décharge de l'échappement moteur, et produisaient un total de 450 chevaux supplémentaires par moteur, quelles transmettaient au vilebrequin par un système hydraulique. Cependant, ces petites turbines avaient tendance à donner des ennuis: elles brûlaient facilement, nécessitant d'arrêter le moteur et de mettre l'hélice en drapeau.


Pour un appareil classique, il n'en représenta pas moins que la haute technologie des avions à hélices.


Personnellement, comme pilote, je préférais cet avion aux DC-7B et Convair 440, les deux autres avions à hélices sur lesquels j'étais qualifié, sauf qu'avec le DC-7B et le Convair 440, les voyages étaient beaucoup plus sympa, nous faisions des vols un peu partout dans l'Est des USA, alors qu'avec le Constellation à cette époque, c'était principalement la navette, et quelques vols de cargo.


Pour les mécaniciens de bord, qui eux aussi étaient qualifiés comme pilotes, ce n'était pas aussi bien. Etant assis en travers, ils n'avaient pas grand chose à voir, et franchement de tous les trois membres d'équipage, c'était le mécano qui avait le plus de boulot; de plus il devait posséder des connaissances beaucoup plus approfondies sur les systèmes de l'avion que les autres membres de l'équipage. Les mécaniciens volant sur le Constellation étaient des hommes qui ne volaient pas leur paye!


Quand le bon vieux Constellation partit "à la retraite", plusieurs de nos anciens Commandants de bord partirent eux aussi à la retraite quelques années avant l'âge obligatoire, plutôt que d'apprendre la nouvelle technologie requise pour faire la qualification sur les "lampes à souder".


Après le Lockheed Constellation, ma nouvelle "monture" en 1966 à la Eastern fut un autre Lockheed, le modéle 188 Electra turboprop et, quelques années plus tard, je fis ma qualification sur un autre Lockheed, le modéle 1011 Tristar qui était à cette époque l'avion de transport le plus gros du monde après le Boeing 747.


Pour obtenir la qualification sur un avion Lockheed, il y avait beaucoup de cours théoriques, et beaucoup plus à apprendre que sur les autres avions de transport, particulièrement sur le Constellation.


Sur nos Constellation à la Eastern Airlines, et de même pour nos autres avions à hélices, le Capitaine Rickenbacker l'as de la Première Guerre Mondiale, qui était notre patron, avait refusé de faire installer des pilotes automatiques. Il voulait que "ses pilotes" gardent la main au pilotage, et franchement je dois avouer que ces "vieux de la vieille" avec qui j'ai eu l'honneur de partager le poste de pilotage, étaient des "vrais pilotes", et non pas des "fonctionnaires volants" qui malheureusement étaient devenus nombreux avec l'arrivée des jets.


© Michel Léveillard, aerostories, 2000.


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