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Saint-Exupéry:

Saint-Exupéry face à ses biographes.

Qui a cherché à lire avec attention Saint-Exupéry sera sans doute ressorti de sa première lecture avec une impression de flou artistique. Grand musicien spécialiste des arpèges conjuguant sentiments et sensations, souvenirs et poésie avec réflexions et interrogations. Qui a cherché à côtoyer et comprendre Antoine aura certainement navigué au milieu d'un triptyque assemblant rêves, pensées et souvenirs. Plusieurs des biographes publiés de Saint-Exupéry l'ont connu. Ils ont eu avec l'écrivain, à un moment de leur existence des relations assez intimes avec lui pour qu'il leur livre ce qui l'habitait. Les diverses biographies que j'ai été amené à lire retracent toutes une ligne générale de la vie d'Antoine basée sur les mêmes étapes. Dans son ensemble, Saint-Ex paraît facile à comprendre avec certes ses hauts et ses bas. Ses déboires, ses peines, ses joies. Il avait une vie très dense, toucha à de nombreuses choses. Les mille facettes d'un homme de lettres, un artiste, mais aussi un homme de science. Au volant de sa voiture, c'est un homme capable de ramener à la base ses copains d'escadrille, discutant avec eux dans un bolide lancé à 140 kilomètres à l'heure sur des routes défoncées, oubliant, par là même, la petite route qu'il fallait prendre à droite pour rejoindre les baraquements. Pourtant il était aussi un pilote apte à préparer méticuleusement sa mission de reconnaissance, peaufiner sa navigation, tracer sa route vers l'objectif, puis une fois en vol la suivre parfaitement, sans dévier d'un degré, malgré les nuages, l'artillerie anti-aérienne. Antoine de Saint-Exupéry semble un paradoxe à lui tout seul. Pour peu qu'on cherche plus dans le détails les recoupements entre les différentes biographies, on y trouve alors plein de petites choses insignifiantes qui diffèrent, d'un biographe à l'autre. Pourtant, tous ces biographes ont connu Antoine, et sont prêts, ou furent prêts, à mettre leur main au feu, qu'il retraçaient fidèlement les dires de Saint-Exupéry. Alors que pour un, ce jour-là Antoine était heureux de vivre, pour l'autre il était attristé par tel événement. Des archives publiques concernant Saint-Exupéry, on tirera des faits froids et dépourvus d'âme de ce qu'il a vécu. De sa correspondance, on aura une vision totalement subjective. Je pense que Saint-Exupéry était comme il écrivait, un poète, un rêveur. Il avait souvent besoin d'avoir son propre environnement virtuel autour de lui pour exister. De son monde, il tirait sa grandeur et sa force, et libre à lui que son monde lui soit propre. Antoine n'était pas un affabulateur quand il racontait sa vie à ses amis, qui devinrent ensuite ses biographes. Il leur parlait en rêvant, en faisant certainement attention à mettre juste ce qu'il fallait d'importance, d'effets, pour être sûr qu'il était écouté. De sa façon d'écrire, on comprend qu'Antoine avait besoin d'être entouré et reconnu, il voulait capturer toute notre attention. Qu'il se rassure, il a réussi.
Aujourd'hui, comme tous les grands hommes de l'histoire qui ont su se conserver une part de mystère, ou de rêve, autour d'eux, Saint-Exupéry est devenu un personnage mythique. Dans le temps ce mythe a évolué. Si tout de suite après sa disparition et jusqu'aux années soixante de nombreux témoins ont fait état du passage de l'avion de Saint-Exupéry au-dessus de leur têtes le 31 juillet 1944, c'est que le désir de retrouver celui qui était un héros Mort pour la France était entretenu, tant par les amis que par des chercheurs. Tous ces témoignages, toutes ces vaines recherches ont même amenés certains à penser que la disparition de Saint-Exupéry était un bon moyen de se faire connaître, ou de gagner à moindre frais quelque pécule basé sur la notoriété de l'homme. Une des plus vivaces légendes sur la disparition de l'écrivain est basée sur un récit imaginaire qu'en a fait un auteur de fictions dans une parution allemande d'histoires et de nouvelles. Un pilote, qui a existé, s'appropriait de nombreuses années après 1944 une victoire aérienne sur le Lightning de Saint-Ex dans une fiction. Tout le monde voulait croire, et beaucoup ont cru ! Aujourd'hui, et cela est peut-être lié à des aspects économiques, c'est
Le Petit Prince qui est sous les feux de la rampe. Le présenter comme une autobiographie, alors qu'il ne devait être qu'un conte pour enfant, ne serait-il pas le souci de faire revivre différemment Antoine, comme le héros d'un conte, ou n'essaie-t-on pas tout simplement d'effacer doucement Saint-Exupéry au profit du Petit Prince ?
Aujourd'hui, Antoine de Saint-Exupéry a cent ans, nous fêtons son centenaire, reconnaissons son œuvre humaniste,
Le Petit Prince, qui régale certes les enfants, n'en a pas encore soixante…

©Aérostories, 2001.

par  Hervé Brun

Dans son "pavé" sur la reconnaissance française, Patrick Ehrhardt développe sur plus de cinquante pages les résultats de ses recherches sur la disparition de Saint-Exupéry et donne son avis sur ce mystère, non élucidé aujourd'hui. Vous pouvez retrouver l'auteur et son ouvrage en cliquant ici ou sur la couverture.