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Le Groupe de chasse " Ile-de-France "
Le 20 octobre 1941, Le groupe de chasse "Ile-de-France" (Squadron 340 de la RAF) est formé à Turnhouse, sur Spitfire Mk V. René Mouchotte le rejoint le 10 novembre et prend le commandement d'un Flight en février 1942. Ce même mois, le Général de Gaulle inspecte l'unité et René Mouchotte fait partie des pilotes qui prennent l'air pour faire la démonstration d'une Croix de Lorraine, dans le ciel. Les actualités britanniques filment l'événement. Nommé capitaine en mars 1942, il commande l'unité par intérim pendant une semaine. Le 14 Juillet 1942, le Général de Gaulle lui remet la croix de guerre, près de Buckingham Palace. Escortes de bombardiers, missions de "balayage" (Sweeps) se succèdent, alors que le nouveau Focke-Wulf 190 allemand se montre particulièrement dangereux et fatal pour plusieurs pilotes français. L'unité fait mouvement sur Hornchurch le 29 juillet.
Le 19 août 1942, René Mouchotte participe à l'opération "Jubilee", le débarquement temporaire de troupes canadiennes à Dieppe. Les pertes sont lourdes dans les rangs des F.A.F.L. François Fayolle, notamment, disparaît à la tête d'un squadron de Hurricane chasseurs-bombardiers, les Hurribombers. Peu auparavant, le commandant de la base de Hornchurch avait proposé ce poste à René Mouchotte, qui explique ainsi son refus : " Il me faudrait faire la guerre sur de lourds appareils sans grande vitesse, bombarder des objectifs ennemis en piqué à basse altitude et ne pas avoir même la chance de pouvoir lutter en cas d'une attaque de chasseurs ennemis. Travail ingrat, matériel démodé, abandon de toutes mes satisfactions de chasseur. C'est sans hésitation que je lui répondis que je ne me sentais aucune disposition pour un tel métier et que pour être un bon leader, il faut connaître à fond ce que l'on commande à ses subordonnés. Je n'en avais jamais fait et je n'ai pas l'âme d'un bombardier. J'avoue qu'il parut déçu de mon refus. "Aucune escadrille de "Spitfire" n'est disponible pour l'instant, dit le Commanding Officer de Hornchurch pour terminer, mais la prochaine qui aura besoin d'un leader, nous vous la donnerons ."
À la tête d'une unité britannique et pilote embarqué
Cette promesse ne tarde pas à se réaliser car, le 1er septembre, René Mouchotte est promu au grade de commandant et nommé par les Britanniques Squadron Leader, à la tête du Squadron 65 : " De tous côtés, j'entends le même écho : le Squadron 65 qui m'est confié est un des meilleurs et des mieux considérés. Je suis vraiment emballé que ce soit à moi qu'on l'ait donné."
Ce même 1er septembre, il reçoit la Distinguished Flying Cross (D.F.C.). Le Squadron 65 suit un stage d'entraînement à l'appontage et embarque le 4 janvier 1943, pour un entraînement réel de quelques jours, à bord du porte-avions britannique HMS " Argus ". " 9 janvier 1943 : Je ne m'attendais certes pas à trouver une telle surprise à mon retour à Drem ! Je quitte le 65 Squadron ! Mon Squadron pour lequel je me suis donné tant de mal. La tâche de former, d'entraîner un Squadron, de l'instruire des méthodes modernes de combat, de lui donner une homogénéité, une unité, une âme enfin, est un travail ardu et délicat qui nécessite de la part d'un Squadron Leader une assiduité inlassable. Connaître mes pilotes un à un, les mener par la main par petites étapes, les aider, les encourager, surtout leur donner le goût de leur métier, c'est ce à quoi je me suis consacré de toute mon âme et d'autant plus passionnément que je connaissais tout le prix de la récompense et que je retirerais d'une unité bien formée quand, une fois dans le sud, j'irais à leur tête au combat. "
Commandant du Groupe de chasse " Alsace "
René Mouchotte quitte le Squadron 65 pour prendre le commandement du Groupe de chasse " Alsace ", recréé en janvier 1943 à Turnhouse en tant que Squadron 341 de la R.A.F. Organisation, entraînement intensif. Les missions débutent le 3 avril, depuis la célèbre base (Station) de Biggin Hill, et vont crescendo, d'autant que le Spitfire IX, capable de tenir tête au Focke-Wulf 190, n'équipe pas encore beaucoup de squadrons. Le 1er mai, René Mouchotte est fait Compagnon de la Libération. Le 15 mai, alors que la Station de Biggin Hill comptait 997 victoires à son actif, René Mouchotte remporte sa seconde victoire homologuée contre un Focke-Wulf 190, au-dessus de la France, tandis que le Squadron Leader Jack Charles, à la tête du Squadron 611, en revendiquent deux autres. Faute de déterminer lequel des deux a effectivement remporté la millième victoire, cette dernière est "partagée" entre les deux pilotes. L'événement, qui avait fait l'objet de nombreux paris, connaît un grand retentissement dans la presse. Les actualités britanniques sont de nouveau là, notamment pour filmer le " Commandant René " à la mémorable soirée donnée le 9 juin pour fêter l'événement. Dans l'intervalle, René Mouchotte avait remporté sa troisième victoire homologuée, le 17 mai, sur un Messerschmitt 109…
Du 3 avril au 26 juin 1943, le commandant Mouchotte mène ou participe à 93 missions de guerre, dont de nombreuses escortes de bombardiers alliés (14 de B-17 Flying Fortress). À 13 reprises, il prend l'air deux fois dans la même journée, et même trois fois les 23, 24 juin et 28 juillet, montrant en cela l'exemple à ses pilotes, logés à la même enseigne. A maintes reprises, il prend d'ailleurs la tête de la Wing (l'escadre) de Biggin Hill : " Le bombardement des aérodromes de France, Belgique et Hollande se poursuit à un rythme incessant. N'est-ce pas le pilonnage avant l'invasion ? Caen, Saint-Omer, Merville, Tricqueville, Abbeville, Courtrai, Rotterdam, Amsterdam même. Que d'eau, que d'eau pour aller aussi loin ! Nous nous sentons de plus en plus courageux. "
27 août 1943 : " Je suis seul avec les bombardiers. "
" Et les " Sweeps " continuent à une cadence terrible. J'en suis à un record de 140 ! J'en ressens une fatigue impitoyable. J'ai beau me coucher à 21 h 30 chaque soir, je sens mes nerfs s'user, mon humeur se détériorer. Le plus mince effort m'essouffle, j'ai un besoin hurlant de repos, ne serait-ce que 48 heures. Je n'ai pas pris huit jours de permission depuis plus de deux ans, toujours en alerte à voler ou bloqué au bureau par quelque travail administratif. D'ailleurs, où aller ? Ces jours-ci, j'ai bien essayé de m'arrêter, envisageant avec effroi la dure période de combats qui menaçait de plus en plus impérieusement notre quiétude. Il me faudra toutes mes forces et toute ma santé. J'ai donc enrayé toute activité offensive, ne me bornant qu'à aller au bureau. Mais ce relâchement de trois jours m'a amolli les nerfs et la volonté. Je suis toujours aussi éreinté. Demain matin, je repars ! "
Le 27 août 1943, lors d'une escorte de B-17 devant bombarder une base de fusées V2 à Watten (Pas-de-Calais), le Groupe de chasse " Alsace " est attaqué par des Focke-Wulf 190. Le sergent-chef Pierre Magrot est presque aussitôt abattu, tandis que René Mouchotte lance un dernier message à la radio : " Je suis seul avec les bombardiers ". Son corps est retrouvé sur une plage belge, à Middelkerke, le 3 septembre, tard, mais n'est formellement identifié qu'en 1949.
Le Commandant René Mouchotte, compagnon de la Libération, Chevalier de la Légion d'Honneur, croix de guerre 1939-45, six citations, DFC, repose depuis dans le caveau de famille, au cimetière du Père Lachaise. Titulaire de 1 743 heures de vol, 408 missions de guerre, il a également remporté 3 victoires sûres, 3 probables, sans compter les navires et les installations au sol ennemis attaqués.
Le souvenir du Commandant René Mouchotte, aujourd'hui.
Le 21 avril 1959, la Base aérienne 103 de Cambrai a reçu pour nom de baptême celui de " Commandant René Mouchotte ", en présence de sa mère et du Colonel Jacques Andrieux, qui a commandé le Groupe de chasse "Alsace " à la fin de la guerre.
La Base aérienne 702 d'Avord n'a pas oublié le nom de ce célèbre pilote, qui était passé en son sein avant le début des hostilités, comme instructeur : un bâtiment de l'Escadron d'instruction et de formation du personnel navigant (EFIPN) 1/313 "Gévaudan", qui assurait la formation initiale et la sélection en vol des EOPN, jusqu'à sa dissolution, en 1994, a également porté son nom.
L'association du bunker de Watten/Eperlecques (62) n'a pas oublié le souvenir commandant du Groupe de chasse " Alsace ", disparu lors de l'escorte des B-17 qui ont bombardé cet important ouvrage, le 27 août 1943 : une plaque rappelant sa disparition figure sur le bunker. Enfin, pour ce qui concerne la France, l'aéro-club René Mouchotte, situé au Plessis-Belleville (60), sous la houlette de son président, Monsieur Bruel, organise tous les ans depuis 1993, un "raid aérien" à destination de lieux ou René Mouchotte à vécu : Biggin Hill, Oran, Northolt... Et avec comme objectifs : l'humanisme (dons au RAF Benevolent Fund, participation à l'aide à la réinsertion de jeunes en difficultés), la découverte des voyages internationaux (procédures radio en anglais, réglementations différentes, pays et cultures différents), le travail d'équipe (jusqu'à 8 avions, autant d'ULM, autodiscipline, entraide, coopération, gestion de tous les aspects de tels voyages). En Belgique, un socle dédié au Commandant Mouchotte a été inauguré le 17 avril 1955 à Middelkerke, près de la plage où a été retrouvé le corps de l'aviateur, après y avoir été porté par les courants de la mer du Nord. Cette sculpture se trouve actuellement à la maison communale de Middelkerke.
© Aérostories, 2001.
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