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Stampe stories

4) Le nez à l'air.

par  Michel Léveillard

Après que l'on ait démarré et laissé chauffer le moteur, le point fixe pour vérifier les magnétos était fait sur l'aire de stationnement, les cales enlevés, et le moment du premier vol sur Stampe était arrivé. Pour moi, c'était aussi le premier vol sur avion à poste de pilotage ouvert.

Comme tous les avions à roulette de queue, le roulage au sol demandait certaines précautions. Il fallait faire des virages en S pour voir devant soi .

Pour le décollage, il était de même nécessaire de regarder à l'extérieur droit ou gauche de l'avion pour rester aligné sur la piste. Comme prévu, l'avion embarquait à droite et il fallait une bonne dose de palonnier gauche pour le tenir dans l'axe de la piste.
Le décollage! C'était à ce moment là que le Stampe prenait vie. La souplesse et la finesse des commandes était remarquable. Plutôt que d'agir sur les commandes comme sur le Piper, c'étaient des "caresses" délicates qu'il fallait prodiguer aux commandes, et cela donnait cette sensation de faire "corps" avec l'avion dans une atmosphère d'air beaucoup plus plaisante a respirer que dans les avions à poste de pilotage fermé.

Une fois en vol, il fallait réduire les gaz au régime de montée. Cinquante ans plus tard je peux toujours entendre les conseils de notre dévoué mécanicien:
"Prenez grand soin du Renault, Messieurs les pilotes, son potentiel est bien moindre que celui du Continental".
Effectivement, il fallait prendre garde à respecter les limitations du moteur, particulièrement lors des séances d'acrobatie, quand le moteur avait tendance à passer en survitesse si la limite du régime moteur autorisé n'était pas surveillé de près pendant les piqués.

Une fois arrivé à l'altitude choisie pour faire les manœuvres, c'était là que s'apprenait vraiment la méthode de pilotage Saint Yan. Le but était de mettre l'avion en virage à 45 degrés d'inclinaison utilisant un "repère" sur le capot moteur en référence à l'horizon. Sur le Stampe, c'était facile car les fils des haubans qui supportaient l'aile supérieur faisaient un angle de 90 degrés. Donc, en mettant par exemple  le fil gauche à plat sur l'horizon, cela assurait un virage à 45 degrés d'inclinaison à gauche. Une fois le virage établi à 45 degrés d'inclinaison, l'élève apprenait a conjuguer et à faire un dosage précis des commandes pour obtenir des variations de pente (mouvement vertical du nez de l'avion par rapport à l'horizon appelé quelques années plus tard l'assiette), et des variations de cadence (défilement, ou mouvement horizontal du nez de l'avion par rapport à l'horizon).
Pendant ces variations de pente et de cadence, l'inclinaison devait rester constante à 45 degrés, tout en maintenant la vitesse et l'altitude constantes. Donc l'élève apprenait à utiliser la gouverne de profondeur, le palonnier et les ailerons simultanément, plus la manette des gaz.

Les virages étaient de même répétés à différentes inclinaisons: 30 degrés et 60 degrés, vol en montée, vol plané, vol lent, etc. Le but était d'éduquer les réflexes de l'élève et de lui apprendre à contrôler l'avion autour des "trois axes", utilisant les références visuelles de l'avion par rapport à l'horizon, tout en assurant la qualité du vol en gardant la bille au milieu, ou de faire les corrections nécessaires pour la ramener au milieu. Plus question de pilotage "aux fesses", et pourtant une glissade ou un dérapage était apparent quand le vent relatif se faisait ressentir sur les joues du pilote, un peu comme des gifles, et certaines vibrations de l'avion qui rappelait au maladroit que ce son pilotage n'était pas correct.

La méthode Saint-Yan avait certainement sauvé la vie à beaucoup de pilotes avec l'insistance des moniteurs d'apprendre à leurs élèves a piloter correctement. Certains exercices de "mise en garde" confirmaient l'importance de faire du bon pilotage.
Avec la méthode de pilotage Saint Yan, le mot "vrille" avait plus ou moins disparu du vocabulaire, remplacé par "auto rotation", une définition peut être moins effrayante pour les élèves pilotes mais qui en réalité était la même chose que la vrille.
Décrochages et auto rotations étaient proposés sur le "menu du jour" d'entraînement de la méthode Saint Yan!
La démonstration d'un exercice de "mise en garde" contre les vrilles commençait en mettant l'avion dans un virage dérapé avec le Badin un peu "comateux". Le moniteur exagérait le dérapage et zap! L'avion déclenchait en auto rotation vers l'intérieur du virage. Pas content de s'arrêter là, le moniteur faisait une démonstration de "fausse glissade" (la cause d'une mauvaise sortie de virage) et zap! Cette fois l'avion déclenchait en auto rotation vers l'extérieur du virage.
"Zavez vu jeune homme, les zavions n'aiment pas les dérapages, alors rappelez vous qu'il faut garder cette putain de bille AU MILIEU!"
Cette histoire de bille n'a plus guère de sens maintenant pour les avions modernes qui ne sont pas "méchants", mais attention sur les avions à hautes performances!

Pour les prises de terrain méthode Saint-Yan, il y avait du choix:
Prise de terrain en forme d'L (PTL) - Prise de terrain en S (PTS) - et la plus belle de tous, la prise de terrain en U (PTU) qui consistait en un virage de 180 degrés en glissade jusqu'à l'arrondi pour l'atterrissage. C'était beau à voir, et quelle belle musique produite par le sifflement des câbles de haubans!
Sauf pour quelques exercices d'approche au moteur, les prises de terrain se faisaient avec le moteur au ralenti en vol plané, apprenant à l'élève de juger avec précision son approche, de même que d'apprendre et mettre en pratique la finesse de son avion, la distance parcourue en vol plané par rapport à l'altitude.

Pour l'atterrissage, disons seulement qu'après quelques-uns de mes vols sur le Stampe, j'avais payé pas mal de tournées générales!
Les  atterrissages étaient  faciles à réussir, plus particulièrement sur les pistes en herbe, mais le Stampe rebondissait facilement, et il fallait être prudent de ne pas dégager la piste avec un peu trop de vitesse, sinon cela pouvait se terminer en "cheval de bois" avec l'avion virevoltant sur lui-même comme le manège du même nom!

©
Aérostories,2001.

[ suite ]

Au roulage et au décollage, il fallait regarder à droite ou à gauche

Collection Michel Léveillard             Clic

Départ pour un vol typique d'entraînement en double commande sur le Stampe. Le moniteur est au siège avant et surveillera son élève au siège arrière avec le rétroviseur.
Mantes 1950

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Trois Stampe SV4 de la patrouille d'Etampes.
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Le Stampe F-BDOM de l'Aéro-Club de Normandie. Bien cambré au sol sur son train d'atterrissage, une assiette à se remémorer à l'atterrissage.

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